LeMasque De La Mort Rouge Résumé Page 4 sur 50 - Environ 500 essais Scénario 1373 mots | 6 pages Scénario : Résumé de l’histoire : Nathan prend la voiture et après quelques minutes aperçoit un coureur sur le bascôté ayant l’air à bout de souffle. Il décide de s’arrêter pour voir ce qui ne va pas. La personne explique en haletant qu’elle est épuisée. Nathan, le cœur 1 Le titre de ce conte sera repris, tout au long de l’article, sous la forme abrégée de The Masque ... 2 Il s’agit des contes du Club de l’In-Folio publiés entre 1833 et 1835 et dont Henri Justin a donné ... 1Dans le corpus des contes de Poe, "The Masque of the Red Death"1 se présente comme l’un des récits les plus linéaires dans toute l’acception du terme. Doté d’une structure diégétique lisse, ce récit relate une anecdote brève et limpide dont le cadre historique indéterminé contribue à renforcer, avec une grande efficacité, l’aspect allégorique du conte. Or, en matière d’allégorie, Poe n’en est pas ici à son premier tableau. Parmi les onze contes du début de la carrière littéraire de Poe2, il en est plusieurs qui ont été écrits dans cette veine dont "King Pest" qui paraît en 1835, soit sept ans avant "The Masque", avec le sous-titre "A Tale Containing an Allegory". 3 La peste – aussi appelée Yellow Jack – de même que le choléra firent des ravages surtout à Baltimo ... 4 Gérard Genette, Discours du récit», Figures III 72. 2Certes, les deux contes s’inspirent directement des souvenirs de la peste qui sévissait encore au début des années 1830 sur la côte est des Etats-Unis3, mais c’est bien là l’unique facteur commun de ces deux récits dont les visées profondes sont totalement divergentes. Aux attaques satiriques de "King Pest" dirigées contre Benjamin Disraeli et son roman Vivian Grey 1826 que Poe parodie à outrance en recourant au burlesque le plus débridé, s’opposent, dans "The Masque", des considérations d’une tout autre portée, qui touchent à des domaines aussi variés, et en apparence aussi éloignés les uns des autres, que l’art, la temporalité et la cosmologie. Par ailleurs, si dans "King Pest" l’aspect allégorique se cantonne dans la sphère de la fable morale, dans "The Masque", en revanche, il acquiert toute son envergure ; et si Poe éprouve le besoin d’étaler la virulence de ses attaques sur une douzaine de pages dans le premier récit, dans le second il ne lui en faut que six pour exprimer l’ensemble de ses soucis esthétiques et métaphysiques. C’est dire à quel point l’allégorie se trouve condensée dans "The Masque" dont l’efficacité narratologique repose sur la parfaite coïncidence entre récit et histoire ou diégèse, selon la distinction établie par Genette4. Les détails symboliques de l’histoire narrée se conjuguent avec les deux paramètres essentiels du récit que constituent le temps et l’espace pour donner à la texture de "The Masque" une trame extrêmement serrée sur le plan du signifiant, alors que sur celui du signifié elle est suffisamment lâche pour admettre une interprétation plurielle. "The Masque" se prête en effet à deux niveaux de lecture essentiels, l’un en suivant l’axe syntagmatique du récit et l’autre en s’élevant le long de l’axe paradigmatique. L’interaction constante de ces deux axes permet à ce récit, dont les vastes visées s’accommodent d’une rare laconicité, de couvrir trois domaines à la fois le domaine de l’esthétique fourvoyée par l’interprétation perverse qu’en donne le héros, le domaine existentiel sous-tendu par les rapports intimes qui lient entre eux les deux couples mort/vie et temps/espace, enfin, celui, éminemment épistémique, de la cosmologie où la réflexion poesque, telle un écho des affirmations d’Eureka, rejoint la pensée orientale, et notamment la tradition bouddhique, à travers une eschatologie qui débouche sur le centre vide ou le Néant de l’Absolu, terme incontournable du microcosme comme du macrocosme. Le bal masqué une esthétique de la mort La thématique des masques 3"The Masque" se présente sous la forme d’une célébration festive qui n’est autre qu’une pérégrination dans le temps et dans l’espace, au cours de laquelle le héros, Prospero – prince au nom évocateur sur lequel nous reviendrons – et son entourage tentent par tous les moyens de bannir de leur vue et de leur vie toute idée de maladie, de souffrance et de mort, afin de jouir indéfiniment de leurs contraires. Dans le but d’échapper à la peste qui sévit à l’extérieur, Prospero crée un monde à part et s’y enferme avec sa cour comme dans un véritable microcosme qui n’en a pas moins conservé du macrocosme ses deux paramètres essentiels, à savoir le temps et l’espace. Dans cette oasis de paix Prospero s’ingénie à organiser un bal masqué d’une grande originalité, où le bizarre le dispute au luxe cette assemblée privilégiée évolue, accompagnée des accords joyeux d’un orchestre mais aussi du sinistre carillon d’une horloge, à travers une série de sept chambres tendues de couleurs différentes, et doit arborer des masques extravagants mais évoquant uniquement le plaisir et la joie de vivre In truth the masquerade license of the night was nearly unlimited. » Mais voilà que l’on s’aperçoit tout d’un coup de la présence, parmi la foule, d’un masque hors norme, celui de la Mort, entaché de sang et complété d’un linceul en guise d’accoutrement. La farandole se transforme dès lors en une poursuite effrénée de la Mort Rouge talonnée par Prospero qui, parvenu dans la dernière chambre tendue de noir, s’effondre foudroyé par la vision rapprochée de la Mort, tandis que ses courtisans, accourus à sa rescousse, succombent un à un, face à l’horreur de leur découverte le masque de la Mort Rouge est un masque sans corps, sans support tangible, vide, untenanted by any tangible form ». 4Il est intéressant de noter, en tout premier lieu, la distinction qu’établit ici Poe entre masque et mask. Si le Webster’s International Dictionary définit les deux termes masque et mask comme exprimant une danse, une mascarade, une farandole composée de personnages masqués, Poe semble n’accorder cette définition qu’au seul terme masque, marquant ainsi une nette distinction entre "The Masque" et "The Mask" de la Mort Rouge, le second terme renvoyant uniquement à l’idée de déguisement, d’accoutrement. La distinction est d’importance car la Mort Rouge se trouve ainsi doublement topicalisée elle mène la danse autant qu’elle est masquée ; elle est, pour ainsi dire, juge et partie car elle participe autant aux réjouissances du moment qu’elle en sera victime, devant disparaître, elle aussi, au terme de la mascarade. La Mort Rouge présente un double statut dont la signification est éloquente passant du statut de l’intrus effacé au début des libations – He had come like a thief in the night » – à celui de meneur dans la dernière partie du récit, elle démontre ainsi l’omniprésence et l’omnipotence du mal que l’on croyait avoir éradiqué. Le fait que Prospero est également omniprésent dans le récit signale une thématisation partagée la Mort Rouge et le Prince sont tous deux maîtres des lieux, tous deux protagonistes d’une même pièce en sept tableaux, tous deux voués à disparaître presque simultanément. La Mort Rouge, outre son double statut, aurait-elle un double en la personne de Prospero ? Prospero se serait-il confronté à son propre double sous les traits de la Mortalité, tel William Wilson, ce héros éponyme de la nouvelle de Poe qui meurt à la vie après avoir tué son double ? Où l’on voit que la thématique des masques n’est pas aussi transparente qu’il y paraît et que le masque, au sens large du terme, recouvre le concept d’illusion parce qu’il touche aux phénomènes liés à la perception et à la conscience claire – ou enténébrée – des choses, comme c’est le cas avec Prospero. Spectacle, spectre et spécularité 5 James W. Gargano, The Masquerade Vision in Poe’s Short-Stories.,Baltimore, 1977. 5La Mort en ce royaume est doublement choquante car, d’une part, elle est tout à fait incongrue et, d’autre part, elle se donne en spectacle de façon scandaleuse “The whole company, indeed, seemed now deeply to feel that in the costume and bearing of the stranger neither wit nor propriety existed”. "The Masque" se donne à lire comme le compte rendu d’une réjouissance qu’une mise en scène insolite mais méticuleuse transforme en spectacle d’abord original puis hallucinant au cœur de l’étrange tourbillon des fêtards la présence de la Mort Rouge constitue une mise en abîme du spectacle en devenant la principale attraction du moment, en assumant le rôle du masque le plus répugnant mais aussi le plus fascinant qu’on ait pu imaginer. Figure emblématique d’une instance inconsistante, vide de nature propre, et qui participe de ce que James W. Gargano5 appelle un complot à la fois céleste et infernal destiné à réduire l’humanité à l’anonymat total, le masque s’érige ici en objet de toutes les focalisations, doté de multiples effets de sens. 6 Supernal, terme qu’affectionne Poe et qui apparaît notamment dans The Poetic Principle, essai publ ... 7 James W. Gargano, op. cit. 8. 6L’ambivalence profonde du masque de la Mort Rouge est en partie due à son aspect spectral son accoutrement évoque jusque dans le moindre détail le spectre de la Mort – The figure was tall and gaunt, and shrouded from head to foot in the habiliments of the grave. », The mask … was made so nearly to resemble the countenance of a stiffened corpse ». Par ailleurs, cette dimension spectrale de la Mort Rouge se vérifie à la fin du récit lorsque les courtisans de Prospero s’aperçoivent avec horreur qu’il n’y a personne derrière le masque qui serait donc une apparition surnaturelle, an agent from the supernal6 », comme le définit Gargano7. Mais le spectral à lui seul ne peut expliquer l’omnipotence du masque et la fascination qu’il exerce sur le public. Face à ce masque, Prospero et ses courtisans succombent, terrassés par une vision insupportable, mais si cette vision s’avère aussi insupportable pour les protagonistes de la mascarade c’est sans doute parce que le masque de la Mort Rouge porte en lui l’image de leur propre mortalité. 7La mort de Prospero et des autres face à l’image de leur propre destin traduit de façon elliptique l’accomplissement de la mission allégorique du récit la mort qu’ils veulent fuir est non seulement parmi eux mais aussi en eux, et sa manifestation, visible mais impalpable, est l’incarnation d’un incube enfoui au plus profond d’eux-mêmes. Cette part de réel de chacun, inspécularisable, s’actualise ici, de façon poétique, grâce à la présence du masque. Telle une illusion, un leurre au symbolisme trop cru et trop cruel, ce masque est en fait un masque-reflet qui fonctionne sur le plan de la confrontation spéculaire 8 René Dubois, Edgar A. Poe et le Bouddhisme 233. … la mascarade … se trouve confrontée à un masque qui est à la fois le reflet d’elle-même et son expression archétypale de par l’omnipotence de sa fonction. Tout comme la mascarade est dépourvue de nature propre et vide par nature, son reflet est pure illusion qui se dissipe à l’issue de sa mission dissolvante. Bien qu’illusoire, le masque-reflet est tout puissant car il est doté de pouvoirs maléfiques comme de pouvoirs bénéfiques …. Le masque-reflet apparaît alors non pas comme le double des masques mais leur archétype dont la présence, nécessaire et fatale, nourrit, avant de clore, la diégèse du 8Nul besoin pour le masque-reflet d’exercer une coercition quelconque sur les autres masques, ce qui n’est pas sans rappeler l’étrange mais non moins efficace passivité du double de William Wilson, le héros éponyme. La mission de la Mort Rouge, à l’instar de celle du double de William Wilson, doit s’accomplir selon une logique liée, nous le verrons, à l’eschatologie cosmologique, sans aucune provocation délibérée ni aucune violence superflue. 9La spécularité qui caractérise les rapports entre la Mort Rouge et Prospero est marquée dans le texte par la présence de certains détails qui se font écho la couleur rouge du sang qui évoque les hémorragies causées par la peste, souille le masque ainsi que l’accoutrement de la Mort Rouge, et se détecte également sur le front exaspéré du Prince. Par ailleurs, tel un rappel adressé à tous les protagonistes présents concernant le symbole à la fois de la vie et de la mort, le rouge flamboie en lueurs fulgurantes sur les draperies noires de la septième et dernière chambre, à travers les vitres rouge-sang de la fenêtre. Spécularité entre spectre et spectateurs, entre extérieur ensanglanté et intérieur rougeoyant, ségrégation entre macrocosme au sang vicié et microcosme au sang purifié, tout concourt à l’expression d’une obsession, celle de la mort dont le sang serait l’auxiliaire, comme le perçoivent Prospero et son entourage. Et c’est en cela que réside toute la tragédie du Prince si le masque de la Mort Rouge est un leurre, c’est aussi un avertissement car le Prince s’est leurré lui-même sous la conduite d’une hubris suicidaire. Chronique d’une mort annoncée 9 Il s’agit tout particulièrement de William Wilson », The Black Cat », The Tell-tale Heart », ... 10En digne héros des temps mythiques relevant d’un passé indéterminé, Prospero poursuit un rêve chimérique qui le mène, malgré lui, à l’auto-destruction. "The Masque" est le récit d’une mort annoncée dont la diégèse repose sur des supports temporels et géographiques propres à une thématique multiple celle de l’enfermement, celle de la réduction ou régression, et celle de la dissolution, sur lesquelles nous reviendrons. En considérant ce récit avec une certaine distance, et en gardant à l’esprit le souvenir d’autres contes poesques de même nature et aux visées similaires9, le lecteur averti aura détecté ici, comme ailleurs, l’aspect inéluctable d’une marche vers l’anéantissement de soi à travers la négation utopique d’une destinée humaine jugée par le narrateur/héros comme trop indigne d’être vécue, trop en deçà de ses aspirations profondes qui peuvent être ici de nature hubristique, et là de nature névrotique, ou encore les deux à la fois. 11Ici comme ailleurs, il s’agit d’une dissidence, d’un état de rébellion qui vise à affranchir le sujet d’un certain asservissement physique, ou moral, devenu intolérable. De façon tout à fait paradoxale, mais aussi profondément poétique, le sujet poesque abandonne le carcan initial pour un autre en se réfugiant dans une sphère aussi illusoire qu’aléatoire. Mais l’important n’est pas là ; ce qui importe c’est qu’il a lui-même créé cet enfermement et qu’il y a librement consenti. Une volonté suicidaire préside au développement de l’action comme à ses conséquences. De chambre en chambre, de couleur en couleur et d’heure en heure, Prospero mène une danse qui s’avère macabre non pas tant à cause de la présence du masque de la Mort Rouge qu’à cause de sa volonté de révolte. Le bal masqué de Prospero est une randonnée mortelle, une errance topographique et existentielle dont le terme est la dissolution totale. Le carillon de l’horloge rythme cette marche vers le point de non-retour tandis que la succession des chambres marque la distribution symbolique de l’espace qui sépare l’être du non-être et que Prospero s’est attribué comme territoire immuable, à jamais soustrait à l’empire et à l’emprise de la mortalité. Aucun leurre n’aura été aussi fatal, à l’exception, peut-être, de celui qui s’est emparé du peintre dans "The Oval Portrait" où l’on peut voir l’hubris de nouveau à l’œuvre et menant inéluctablement à la mort de toutes les illusions. Ici, comme dans les autres contes de la même veine, la dimension poétique du récit s’articule autour de l’idée de désir contraire à la norme, de normalité contrecarrée, de fuite centrifuge, et s’appuie sur des modalités d’accomplissement qui obéissent aux canons artistiques de Poe. La perversion de l’esthétique 12Placée sous le signe de la régression, la diégèse de "The Masque" s’appuie sur des composantes d’une efficacité remarquable mais dont la signification profonde fait apparaître une perversion de l’esthétique doublée d’une perversion éthique que l’on examinera en dernière partie. Les auxiliaires de la régression festive 10 Marie Bonaparte, élève et amie de Freud, dans Edgar Poe, sa vie-son œuvre 1958, décrit la Mort R ... 13Architecture et alchimie semblent à l’origine de l’assise esthétique de "The Masque". On aura déjà remarqué une grande similitude architecturale entre les divers intérieurs poesques de la maison des Usher aux caves de Montrésor dans "The Cask of Amontillado" en passant par l’école du Révérend Bransby dans "William Wilson", ce n’est qu’enfilades de chambres et dédales de couloirs et d’escaliers sombres et tortueux, représentatifs d’une architecture que d’aucuns considèreront comme l’équivalent symbolique d’un cheminement freudien vers quelque matrice obsessionnelle10. La disposition sinueuse des chambres dans "The Masque", cependant, semble devoir se prêter à une analyse portant essentiellement sur les valeurs esthétiques de Poe plutôt qu’à une quelconque interprétation psychanalytique. En effet, et si l’on en croit John T. Irwin, le penchant de Poe pour les arabesques architecturales ne serait pas étranger à son admiration pour le peintre anglais Hogarth dont la pensée artistique consignée dans The Analysis of Beauty, publié en 1753, considère que la ligne serpentine est l’une des deux formes – l’autre étant celle du D – les plus représentatives, non seulement de la beauté et de la grâce, mais aussi de la totalité de l’ordre formel 11 John T. Irwin, The Mystery to a Solution 408-409. And certainly if Poe knew Hogarth’s work, he would have known of his association with the serpentine line. For as Hogarth himself points out in the preface to The Analysis of Beauty, the self-portrait published as a frontispiece to his engraved works showed “a serpentine line, lying on a painter’s pallet”, and beneath it the words “THE LINE OF BEAUTY”. Finally, it seems hard to believe that anyone as interested as Poe was in questions of analysis and in the subject of the sublime and beautiful would not have made it a point to read a work entitled The Analysis of Beauty, particularly if it had been written by an artist whose work he 14La sinuosité architecturale dans The Masque, comme dans les autres contes où elle figure, reflète à la fois les méandres enchevêtrés d’un parcours topographique qui relève, nous le verrons, du parcours mandalaïque, et la complexité psychologique du sujet, en l’occurrence le Prince Prospero. Chez ce dernier, le goût pour le bizarre – The duke’s love of the bizarre » – se traduit également à travers l’alchimie des couleurs qui n’est pas sans rappeler l’alchimie tantrique. Les couleurs différentes des sept chambres s’animent sous l’effet quasi magique du feu provenant des trépieds disposés de l’autre côté des vitres teintées qui illuminent les pièces. Cet éclairage indirect mais pas moins efficace pour autant, filtré et coloré de la plus vive façon, vient renforcer la tonalité de la fête étrange celle-ci est à la fois réjouissance et initiation, comparable en cela à l’expérience holistique du Tantrisme qui englobe à la fois le plan physique et le plan psychologique. Couleurs successives et mouvantes dont l’effet est régi par une source lumineuse vacillante, feux magiques autant que purificateurs fonctionnant comme agents de métamorphoses, se conjuguent pour conférer aux personnages leur aspect de rêve fantomatique To and fro in the seven chambers there stalked, in fact, a multitude of dreams. And these – the dreams – writhed in and about, taking hue from the rooms, and causing the wild music of the orchestra to seem as the echo of their steps. 12 Plusieurs critiques l’affirment, comme Jean-Louis Grillou qui, dans son article Death in Venice,... 13 L’alchimie poesque présente - et en cela rejoint l’alchimie tantrique - une dimension sotériologiq ... 15Métamorphoses physiques et psychologiques, visées communes de toute alchimie, se retrouvent au cœur des alchimies poesque et tantrique. Poe connaissait l’alchimie12 mais n’a pas écrit des nouvelles alchimiques pour autant le discours alchimique chez Poe n’est pas une fin en soi, pas plus que la pratique alchimique ne l’est chez l’initié tantrique. Sans doute Poe avait-il compris tout le parti qu’il pouvait tirer de l’alchimie pour véhiculer certaines de ses convictions dans ses écrits de fiction. L’alchimie apparaît dans "The Masque" comme un moyen à la fois poétique et sotériologique13 permettant de rendre compte du rituel esthétique qui sous-tend le passage du temps et donc de la vie. L’allégorie se déploie ici dans toute son envergure en recouvrant le souci existentiel du voile poétique d’une représentation festive dont la nature est éminemment régressive. L’architecture serpentine, le chatoiement des couleurs, la fulgurance des feux, ainsi que les accords hystériques de l’orchestre, convergent, tous, vers le lieu de leur propre anéantissement, c’est-à-dire la dernière chambre ou chambre-sépulture où la vie sous toutes ses formes s’éteint malgré toute l énergie déployée par Prospero et les siens. Par ailleurs, le nombre sept,à l’instar des couleurs, participe de ce parcours régressif à travers l’allusion aux sept âges de l’homme dont parle Jaques dans As You Like It. Le septième âge, tel que le décrit Jaques, offre un écho saisissant de la clôture de "The Masque" marquée par la négativité totale 14 As You Like It, Act II, scene VII. Last scene of all,That ends this strange eventful history,Is second childishness, and mere oblivion;Sans teeth, sans eyes, sans taste, sans every 15 Poe expose clairement ces critères dans son compte rendu des Twice-told Tales 1842 de Hawthorne ... 16 Roger Bozzetto, “La recherche de l’émerveillement et de la sidération”. Europe, n°868-869 140. 16La thématique de la régression, exprimée sur le mode poétique, vise, selon des critères artistiques bien définis15, l’unité d’effet qui exige, selon Poe, que tous les détails du récit convergent vers un seul et même effet amené comme un point d’orgue qui, tout en clôturant le conte, laisse héros et lecteurs sous le choc d’un véritable coup de théâtre. C’est en ce nœud à la fois poétique et thématique que la couleur rouge acquiert toute son importance elle apparaît comme emblématique d’un effet de fascination – ou de sidération, pour reprendre lemot de Roger Bozzetto- dont l’emprise sur Prospero et ses courtisans est totale. La Mort Rouge, en traversant les salles du château, telle une figure de proue fascinante, davantage suivie que poursuivie, réalise ainsi l’unité d’effet du récit, et fait écho à l’idée que Poe inaugure dans l’art de la nouvelle une esthétique de l’effet qui court comme un fil rouge dans toute son œuvre. »16 Une esthétique de l’excès 17De façon quelque peu paradoxale, et ceci se vérifie également dans d’autres contes tels que "Ligeia", l’esthétique de "The Masque" apparaît comme un mélange impur, empreint d’ambiguïté, qui se situe à la frontière du Beau et du Laid, du Sublime et de l’Horreur, entre l’attraction et la répulsion, s’érigeant ainsi en métaphore poétique du processus cosmologique qui sous-tend ce récit. Par le biais d’affirmations maintes fois réitérées, Poe opère la mutation de l’esthétique de Prospero en une inesthétique » qui préfigure toute l’horreur de la situation tout en exprimant une régression par rapport aux canons esthétiques de l’auteur dont le narrateur dans ce récit se fait le porte-parole. Poe prend soin d’indiquer qu’en matière d’esthétique, les goûts de Prospero s’avèrent fort douteux – “The duke’s love of the bizarre”, “The tastes of the duke were peculiar ” – s’ils ne relèvent pas directement de la folie “There were delirious fancies such as the madman fashions ”. L’abondante présence d’oxymores – “his conceptions glowed with barbaric lustre”, “arabesque figures with unsuited limbs and appointments”, “there was much of the beautiful, there was much of the wanton”, “the prince’s indefinite decorum” – révèle l’écart qui sépare le vrai sens du goût chez Poe, lié à l’imagination, et les délires esthétiques de Prospero, liés à la fancy. Enfin, la norme en matière de goût telle que Poe l’exprime dans The Philosophy of Furniture 1840 s’oppose ouvertement au manque de goût flagrant chez Prospero à travers l’usage d’un lexique ou d’expressions à connotation fortement péjorative si l’on garde en mémoire les recommandations consignées dans cet essai bizarre, profusion of golden ornaments, glaringly illumined, gaudy, fantastic, glitter, phantasms. Contrairement au Prospero shakespearien qui, en vrai magicien, parvient à instaurer un semblant d’ordre et d’harmonie dans son île au lendemain d’une tempête mémorable, le Prospero de Poe rétablit dans la sienne un certain désordre sous le couvert d’une esthétique douteuse. Nous avons affaire ici à une thématique de l’excès que l’apparition de la Mort Rouge traduit de façon symbolique mais aussi singulièrement ironique “ the figure in question had out-Heroded Herod, and gone beyond the bounds of even the prince’s indefinite decorum ”. Tous les éléments du conte, y compris l’architecture serpentine et l’alchimie des couleurs, contribuent à mettre en exergue la notion de subversion qui est au cœur du contexte épistémique de "The Masque". 18A la perversion esthétique, liée à la linéarité de l’axe syntagmatique du récit et se traduisant par la distorsion du goût , s’oppose la perversion éthique, liée à l’axe paradigmatique et dont le mode d’expression est la subversion. Et c’est le long de l’axe paradigmatique que se rencontrent les échos d’Eureka qui font de "The Masque" le récit d’une eschatologie dont la proximité avec l’eschatologie orientale demeure troublante. Une écriture à résonance orientale vers une eschatologie bouddhico-poesque. La proximité orientale du récit poesque le mandala pervers de Prospero 19Comme c’est le cas dans la plupart des contes de Poe, l’impact d’Eureka sur "The Masque"est si profond que l’on peut considérer ce récit comme une illustration, parmi tant d’autres,de l’essai métaphysique, une mise en abyme autant qu’une mise en pratique du souci cosmologique eurékéen dans un contexte de fiction. Un résumé concis de la thèse d’Eureka permettra d’établir sa parenté avec "The Masque" et de dégager la tonalité orientale – bouddhique, essentiellement – de ce récit. 17 En particulier les Sutras du Tripitaka ou Bible » bouddhique composée de trois ensembles de Text ... 18 Le Mahâyâna est la tradition des écoles bouddhiques du Nord dont le souci sotériologique primordia ... 20Eureka ou Essai sur l’univers matériel et spirituel, publié en 1848 et que Poe qualifie de poème en prose et de livre des vérités, stipule que l’univers sensible s’est créé à la suite du désir divin de s’incarner en une particule mère qui, en se divisant de façon quasi infinie, donne naissance à un nombre incalculable mais fini d’atomes. Au terme du désir divin de diffusion dans l’espace ainsi créé, le mouvement de retour des atomes dispersés vers la particule originelle s’amorce et se traduit par la formation des corps célestes, ou ensemble de galaxies, qui constituent l’univers. A la fin des temps, la contraction totale de l’univers entraînera sa disparition en même temps que disparaîtra la particule originelle qui, s’incarnant de nouveau sous l’impulsion d’une nouvelle volition divine, donnera lieu à un nouveau cycle d’expansion et de contraction, et cela tant que Dieu éprouvera le désir de s’incarner. L’unité, point de départ et finalité du monde, constitue donc son principe unificateur ; mais le monde, en soi, fait obstacle au retour vers l’unicité originelle car, par définition, il incarne le multiple qui, à son tour, manifeste un désir d’existence qui lui est propre. C’est ce même vouloir-vivre, à la racine du monde phénoménal, que Schopenhauer analyse, quelques décennies avant Poe, dans Le Monde comme Volonté et comme Représentation 1818. Or, on peut lire dans tous les textes sacrés du Bouddhisme17, que, du moindre grain de sable – la métaphore de l’atome – à l’agrégat le plus complexe, l’univers entier manifeste le désir d’être tout en s’acheminant vers le Nirvâna, sa destination ultime à la fin des temps. Pensée poesque et tradition bouddhique mahâyâniste18 se rejoignent pour affirmer que cette volonté d’existence se traduit par les cycles de renaissances successifs que Poe appelle aussi métamorphoses ». Ce constat commun de Poe et des Mahâyânistes en entraîne d’autres d’égale importance et notamment les affirmations suivantes la matière, et donc l’existence, sont le produit de l’attraction et de la répulsion ; en tant que telle, la matière dont l’existence est soumise à un jeu de forces, à la combinaison d’énergies, est contingente et par suite impermanente ; enfin, la vocation de la matière, identique à celle de tout désir d’incarnation – aussi divin soit-il – est l’intégration du Néant/Nirvâna, cette vacuité centrale où se résolvent toutes les antinomies et dichotomies de la multiplicité. 21Le monde, régi par les forces de l’attraction et de la répulsion, apparaît donc comme une entité illusoire et aléatoire. Il n’en demeure pas moins qu’en tant que multiplicité manifestée, il incarne une résistance, une réaction opposée à la marche vers l’intégration de l’unicité. Le monde sensible est emblématique de la contradiction car il est répulsion pure, incarnation de la force contraire à l’attraction, et sa volonté d’existence contrecarre celle-ci et retarde ses effets. Cet attachement à l’existence constitue le karma du monde dont l’errance dans le Samsâra se traduit par le nombre incalculable mais non infini des cycles de renaissances l’errance samsârique a un terme, tout comme elle a une origine, ce dont pensée poesque et tradition bouddhique conviennent sans divergence aucune. 22A la lumière des considérations eschatologiques communes à ces deux instances, "The Masque", dans son contexte épistémique, se donne à lire, comme une allégorie liée à l’ontologie bouddhico-poesque. La farandole des protagonistes dans ce récit est une dramatisation de l’errance samsârique dont le terme cosmologique est le trou noir de l’ultime chambre. La septième chambre tendue de noir signale la fin d’un cycle de métamorphoses qui a commencé dans la chambre orientale tendue de bleu. Elle représente un lieu de non-retour temporaire, dans l’attente d’un nouveau cycle sous l’impulsion d’un nouveau désir d’existence, et c’est en son centre vide que se résorbent toutes les fulgurances artistiques ainsi que toutes les extravagances centrifuges d’un microcosme dont le destin ne peut échapper au devenir du macrocosme qui l’englobe. 23L’univers de Prospero, issu d’une volonté contraire à la force d’attraction, est une contradiction vouée à disparaître. C’est en ce sens que l’on peut considérer "The Masque" comme la chronique d’une mort annoncée. Et c’est en ce nœud bouddhico-poesque que la figure de la Mort Rouge acquiert toute sa signification ontologique elle n’incarne pas le mal, comme le pense Prospero, mais la force d’attraction dont la mission est de vaincre la répulsion qu’incarnent Prospero et sa création. 24Le microcosme de Prospero n’est donc qu’un accident de parcours, et vue sous cet angle, la pérégrination du prince à travers les sept métamorphoses symbolisées par les sept chambres correspond à une progression mandalaïque erronée. Contrairement au mandala sotériologique où le sujet, en parvenant au centre de la cosmogonie, rejoint le niveau divin et réalise l’expérience épiphanique d’une illumination et d’une délivrance salutaires, dans le mandala perverti de Prospero, à aucun moment, le prince ou ses courtisans, n’osent s’aventurer dans la chambre de non-retour, l’équivalent du centre vide de l’ultime cercles d’un mandala encore trop ancré dans la multiplicité. C’est ici que Poe renforce le caractère allégorique du récit avec une habileté remarquable en passant très subrepticement du parfait au présent de narration la deuxième moitié du sixième paragraphe du texte, consacrée aux évolutions des protagonistes de chambre en chambre, rythmées par la musique d’un orchestre dont les accords sont interrompus à chaque heure par le carillon de l’horloge, est entièrement rendue au présent de narration. Ce changement de temps indique le passage d’une occurrence diégétique particulière vers l’atemporalité d’une affirmation d’ordre général le présent de narration octroie au mandala de Prospero une dimension archétypale en en faisant le prototype de tous les mandala de cette nature. 25Enflure intempestive, voire incongrue car générée par la fancy de son auteur, le microcosme de Prospero apparaît comme une inflation cosmologique hubristique qui n’aurait pas dû être, et dont l’existence, sous-tendue par l’espace et le temps, est vouée à disparaître avec la disparition de ces deux paramètres cosmologiques. Le degré zéro du temps et de l’espace 26On ne saurait passer sous silence le fait que Poe accorde dans ce récit une importance capitale au couple temps/espace. Par ailleurs, l’abolition du monde à travers l’abolition de ses paramètres, telle qu’elle se présente dans "The Masque", fait écho aux visions apocalyptiques d’Eureka et d’autres récits tels que The Conversation of Eiros and Charmion. D’une façon générale, la thématique poesque de la négation du monde – ou d’un monde – se présente comme un rituel eschatologique qui peut déboucher sur une disparition soudaine et quasi magique de l’environnement, comme c’est le cas ici, ou sur la variante que représente l’évanouissement du sujet pour qui le monde n’existe plus, comme dans le cas de "The Pit and the Pendulum". Dans tous ces écrits la fin du monde coïncide avec la disparition simultanée du temps et de l’espace. Qu’y a-t-il d’étonnant à cela puisque Poe est convaincu, dans Eureka, de l’identité du temps et de l’espace Space and Duration are one. Il serait utile de se référer, de nouveau ici, à la sphère bouddhico-poesque pour rendre compte de l’importance de ces deux paramètres dans "The Masque" 19 René Dubois, “Temps et espace dans l’Eureka de Poe et dans la tradition bouddhique”. Mythes, Croya ... Tout comme dans la tradition bouddhique, l’Absolu chez Poe est un Absolu aspatial et atemporel, au sein duquel l’espace et le temps sont abolis, chacun à sa façon le premier par contraction ad infinitum, devient inexistant et rejoint l’inexistence du temps qui s’est figé au degré zéro, c’est-à-dire, non pas dans l’éternité liée au phénoménal, mais dans le hors-temps, le non-temps, autrement dit, l’atemporalité de l’inconditionné ou du 27C’est précisément ce qui se passe dans "The Masque", récit éminemment sous-tendu par ces deux paramètres qui fondent l’univers l’espace implose dans la dernière chambre où tout disparaît dans les ténèbres d’un véritable trou noir tandis que le temps s’est arrêté au dernier coup de minuit. Cependant, tout au long du parcours circonscrit par les chambres, chaque heure que sonne l’horloge est un rappel des incontournables réalités ontologiques que les protagonistes refusent d’intégrer, non sans une angoisse grandissante au fur et à mesure que le temps avance, angoisse que le narrateur ne manque pas de souligner There are chords in the hearts of the most reckless which cannot be touched without emotion ». Ce processus d’actions balisées par des jalons temporels, qui indique que la mesure du temps est liée à l’existence en sursis, se retrouve dans "The Tell-Tale Heart", notamment, où les faits et gestes du héros-narrateur sont ponctués de références au temps, récurrentes et précises. L’existence se déploie donc dans un espace et une temporalité bornés, à l’instar du château-microcosme, de l’exil-prison de Prospero où rien ne peut entrer ni sortir, mais où tout se trouve déjà. 28La contradiction que représente ce microcosme et qui se traduit par une subversion à tous les niveaux du récit, concerne également le temps. En se retranchant de l’entropie environnante, la néguentropie de Prospero n’en a pas moins conservé les paramètres temporel et spatial, mais de même que l’espace mandalaïque du prince s’avère une cosmogonie perverse, de même, la temporalité de son enclave se veut contraire à celle du macrocosme à laquelle il lui faut correspondre. Mais comment échapper à l’emprise du temps ? Comment se soustraire à la temporalité, aux cycles des renaissances, à l’inéluctabilité du destin que symbolise la Mort Rouge ? Prospero résout toutes ces questions par le recours à un stratagème technique - le bal - un stratagème par ailleurs éminemment esthétique car il s’agit d’un bal masqué où se retrouvent tous les goûts, le meilleur comme le pire. La farandole représente l’espoir fou de Prospero de s’affranchir de la cyclicité du temps ; elle traduit, de façon symbolique, l’acte sexuel qui fonde la vie et s’oppose ainsi à la mort, car 20 Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire 388. […] toute chorégraphie rythmique est une érotique. Erotique non seulement en ce sens que de nombreuses danses sont directement un préparation ou un substitut de l’acte d’amour, mais encore parce que la danse rituelle joue toujours un rôle prépondérant dans les cérémonies solennelles et cycliques qui ont pour but d’assurer la fécondité et surtout la pérennité du groupe social dans le temps. 20 29La danse, dans ce récit, n’apparaît macabre qu’à cause de la présence du masque de la Mort ; elle est, en fait, l’expression d’un suprême désir de vivre, d’une pulsion de vie rythmée par la musique de l’orchestre et le carillon de l’horloge “[…] in them beat feverishly the heart of life.” La rythmique sexuelle du bal masqué, en s’émancipant du rythme temporel naturel, vise à atteindre l’intemporalité, et donc la sphère du mythique, tout en demeurant au cœur du temps qui s’écoule inexorablement vers son propre épuisement 21 Gilbert Durand, op. cit 387-388. La musique constitue bien elle aussi une maîtrise du temps comme l’a vu un des plus perspicaces musicologues qui écrit En admettant que la musique organise effectivement le temps, quel est donc le caractère spécifique de cette opération ?…le compositeur produit dans le temps une chose qui en son unité, en tant qu’ayant un sens, est intemporelle… »21 22 Cette dernière caractéristique de l’horloge est tout à fait évocatrice de celle de l’étang, lieu d ... 30Toutefois, Poe a pris soin de souligner la nature étrangement ambiguë, et donc inquiétante, du carillon de l’horloge présentée tantôt comme profondément musicale, tantôt comme menaçante, la tonalité de la mécanique vient assombrir les réjouissances, et les heures qu’elle égrène apparaissent comme autant de coups de frein à la frénésie générale. Le rôle de l’horloge s’avère en fait bivalent elle impulse la danse autant qu’elle la détruit ; elle rythme la chorégraphie autant qu’elle scande l’approche de la mort. Par cette double fonction, l’horloge fusionne deux symboliques elle est d’une part l’outil diégétique qui traduit le passage du temps ainsi que la progression narrative, et d’autre part un auxiliaire eschatologique éminemment poétique, à la fois héraut et victime de l’apocalypse universelle22. 31La double contradiction de Prospero, à la fois spatiale et temporelle, véritable effort désespéré de s’affranchir de la mortalité, s’achève dans une dissolution totale qui se traduit par le degré zéro du temps et de l’espace. L’analyse de "The Masque" demeurerait, cependant, incomplète si elle ne rendait pas compte des échos dissolvants que renferme l’écriture de ce récit où la forme semble épouser au plus près les contours du fond. L’écriture apophatique comme métaphore de la réintégration du Néant-Nirvâna 23 Edgar Allan Poe Poetry and Tales 1348 32"The Masque" est l’histoire d’une aventure qui s’abîme dans l’au-delà de la vie et de la mort, et la régression en est le terme clé car elle se vérifie à tous les niveaux. La structure même du récit en est affectée l’écriture de "The Masque" reproduit la régression cosmologique dont parle Eureka, par le recours à l’itération des situations qui se dégradent au fur et à mesure que le terme de la diégèse approche. A l’instar de l’effondrement progressif de l’univers tel que le décrit Eureka – “If the propositions of this Discourse are tenable, “the state of progressive collapse” is precisely that state in which alone we are warranted in considering All Things”23 – "The Masque" se donne à lire comme une succession de phases dont l’amplitude, large dans la première moitié du récit, diminue avec l’accélération du rythme des événements dans la deuxième moitié, pour enfin retrouver l’envergure que requiert le compte rendu de l’apogée apocalyptique du conte. De phase en phase, comme de chambre en chambre, le récit s’achemine vers sa conclusion qui, dans un treizième et dernier paragraphe, résume tout le processus annihilateur de l’eschatologie eurékéenne. L’itération descriptive des situations, outre le fait qu’elle reflète, sur le plan syntagmatique, le rythme chorégraphique de la fête, vise à reproduire, sur le plan paradigmatique, l’effet de tautologie inhérent à la cyclicité cosmologique qui pose que les âges se succèdent jusqu’à leur terme. 33Parallèlement à la dissolution de l’univers lors de son implosion et de son intégration du Néant, nous assistons, au niveau du conte, à la dissolution d’une écriture qui s’abolit dans le degré zéro d’un discours caractérisé jusque là par une certaine flamboyance, à l’image de la fulgurance éphémère du monde de Prospero. Progressivement mais inéluctablement, la fonction de l’écriture change de statut à la fonction phatique, destinée à la présentation et au développement de l’histoire narrée, succède la fonction apophatique dans la clôture du récit. Véritable métaphore de l’intégration du Néant/Nirvâna, la conclusion de "The Masque" n’en conserve pas moins, jusque dans les soubresauts de l’agonie, des traces éloquentes de la nostalgie du Samsâra, d’un vouloir-vivre contraire à la résorption finale, à travers la conjonction and, réitérée pas moins de huit fois en quelques lignes. Des pans entiers de vie et de vitalité, emblématiques d’une répulsion rebelle aux visées d’éternité impossibles, sombrent les uns après les autres, à l’instar de l’effondrement progressif des mondes eurékéens dans le processus du retour d’abord vers l’Un, puis vers l’Absolu. Sur le plan de l’écriture, ces effondrements successifs, liés les uns aux autres par la conjonction and, traduisent une contiguïté syntagmatique dont l’épuisement coïncide parfaitement avec la métaphore paradigmatique de la désintégration finale du monde de Prospero et de son intégration de l’Absolu. 24 Dans d’autres contes tels que A Descent into the Maelström », The Pit and the Pendulum », Li ... 34L’apophatisme de la clôture représente le point de non-retour d’une écriture régressive dont le discours n’a plus d’objet car il a atteint la limite du vide, l’aporie d’une expérience de l’extrême qui débouche sur l’impossible à dire. Cette forme d’écriture qui se nie elle-même tout en contribuant à l’effet de sidération, relève d’une technique narrative chère à Poe. L’auteur y recourt dans plusieurs de ses contes et notamment dans "The Narrative of Arthur Gordon Pym" où elle se déploie dans toute son envergure, avec cette différence que, dans "The Masque", le narrateur demeure le témoin extradiégétique de l’uniformité enténébrée de l’Absolu, alors que, dans "The Narrative", le narrateur intradiégétique disparaît dans l’Absolu d’une uniforme blancheur. Dans les deux cas, ainsi que dans tous les contes de même nature, l’écriture se clôt sur cette vacuité qui est au cœur des processus eschatologiques poesque et bouddhique24. 25 Edgar Allan Poe Essays and Reviews 600. 35A maintes reprises Poe s’est élevé contre l’usage abusif et incongru de l’allégorie dans tout récit de fiction. Ainsi, dans son compte rendu des poèmes de Henry B. Hirst, l’auteur affirme que all allegories are contemptible »25, et, dans le même ordre d’idées, dans son essai critique sur les Twice-Told Tales de Hawthorne, il écrit 26 Op. Cit. 582. In defence of allegory, however, or for whatever object, employed there is scarcely one respectable word to be said. Its best appeals are made to the fancy – that is to say, to our sense of adaptation, not of matters proper, but of matters improper for the purpose, of the real with the unreal; having never more of intelligible connection than has something with nothing, never half so much of effective affinity as has the substance for the 36Cependant, au terme de notre analyse, il apparaît que "The Masque" répond parfaitement aux exigences très particulières de Poe concernant l’allégorie, telles qu’il les énonce dans ce même essai sur Hawthorne 27 Op. Cit. 582-583 One thing is clear, that if allegory ever establishes a fact, it is by dint of over-turning a fiction. Where the suggested meaning runs through the obvious one in a very profound undercurrent, so as never to interfere with the upper one without our own volition, so as never to show itself unless called to the surface, there only, for the proper uses of fictitious narrative, is it available at all. Under the best circumstances, it must always interfere with that unity of effect which, to the artist, is worth all the allegory in the 37Le souci esthétique, qui engendre l’unité de l’effet, est au cœur d’un récit où le narrateur, à aucun moment ne permet à l’allégorie d’éclipser l’intérêt diégétique. Nous retrouvons ici, à l’instar du poème en prose » que constitue Eureka, cette obsession poesque pour l’unité poétique dans toute œuvre de fiction. Tout didactisme et, avec lui, toute allégorie affichée doivent être bannis du récit de fiction. "The Masque" apparaît ainsi comme une véritable mascarade dans tous les sens du terme si le sens premier et le sens caché coïncident aussi parfaitement, si l’obvie et l’obtus se superposent avec autant d’exactitude, c’est bien parce que le propos épistémique – l’eschatologie bouddhico-poesque – est habilement masqué dans sa totalité par la fiction de surface. Nous pouvons y déceler un écho supplémentaire d’Eureka, œuvre dans laquelle Poe affirme maintes fois que The Body and the Soul walk hand in hand ». Et si ce conte marque autant l’imagination du lecteur c’est bien parce que celui-ci trouve dans l’hubris pathétique de Prospero le reflet de son propre désir d’éternité dont la perversion lui échappe, à lui autant qu’à Prospero, car nous dit Eureka, la conscience humaine n'est pas encore prête pour l'intégration de la conscience divine qui l'englobe, et la résorbera à la fin des temps, dans le vide d'une centralité nirvânée.FormatCinéma. 2.35:1. Tout comme ce serait le cas avec un titre du catalogue de la Hammer, la principale difficulté posée par le pressage DVD du Masque de la mort rouge se situe indiscutablement au niveau de la palette chromatique. Fort heureusement, l’éditeur s’en sort haut la main avec un master restauré affichant une colorimétrie RésuméProspero, un prince dévot de Satan, se terre dans son château contre la Mort Rouge, une peste qui dévaste le pays. Or, lors d'un bal masqué, Satan s'invite…StatistiquesMoyenne des notes 5,3/6 3 notes. 6/6HarryLime5/6Impétueux, 14246Aucun vote pour une réédition en DVD. Pour voter Cette page a été visitée 11276 fois.Plongezvous dans le livre Le masque de la Mort Rouge et autres nouvelles fantastiques de Edgar Allan Poe au format Poche. Ajoutez-le à votre liste de souhaits ou abonnez-vous à l'auteur Edgar Allan Poe - Furet du Nord Menu. Vers notre site professionnel Mon compte. Se Le Masque de la mort rouge Illustration de Harry Clarke en 1919. Publication Auteur Edgar Allan Poe Titre d'origine The Masque of the Red Death Langue Anglais Parution mai 1842, Graham's Lady's and Gentleman's Magazine Recueil Nouvelles histoires extraordinaires Traduction française Traduction Charles Baudelaire Intrigue Genre Nouvelle fantastique Le Masque de la mort rouge The Masque of the Red Death est une nouvelle d'Edgar Allan Poe publiée pour la première fois en mai 1842 dans le Graham's Lady's and Gentleman's Magazine sous le titre The Mask of the Red Death, avec le sous-titre A Fantasy. Une version révisée est parue le 19 juillet 1845 dans le Broadway Journal sous son titre définitif. Traduite en français par Charles Baudelaire, elle fait partie du recueil Nouvelles histoires extraordinaires. La nouvelle se situe dans la tradition du roman gothique et a souvent été analysée comme une allégorie sur l'inéluctabilité de la mort, bien que d'autres interprétations aient été faites. Résumé L'histoire se situe dans une abbaye fortifiée, dans laquelle le prince Prospero s'est enfermé, avec mille de ses courtisans, afin de fuir l'épidémie foudroyante de la Mort Rouge », terrible fléau qui frappe le pays. Indifférents aux malheurs des populations frappées par la maladie, ils mènent alors une vie parsemée de vices et de plaisirs en toute sécurité derrière les murs de l'abbaye. Une nuit, Prospero organise un bal masqué dans sept pièces de l'abbaye, décorées et illuminées chacune d'une couleur différente bleu, pourpre, vert, orange, blanc, violet. La dernière est tapissée de noir et éclairée par une lumière rouge sang. Elle inspire une si grande crainte aux invités que rares sont ceux qui osent s'y aventurer. Il s'y trouve une grande horloge d'ébène qui sonne sinistrement à chaque heure ; alors, chacun arrête de parler et l'orchestre cesse de jouer. Durant la soirée, Prospero remarque une figure dans une robe qui ressemble à un linceul, avec un masque semblable au crâne dépeignant une victime de la Mort Rouge. Se sentant gravement insulté, Prospero exige qu'on lui donne l'identité de l'invité mystérieux et ordonne également que l'on s'empare de l'individu. Mais, comme nul n'ose obéir, il tire un poignard et le poursuit à travers les sept pièces. Quand il arrive dans la septième pièce, le mystérieux personnage se retourne et fait face à Prospero, qui s'effondre, mort. Les courtisans, horrifiés et furieux, se jettent sur l'inconnu et lui arrachent son masque, mais ils découvrent que le costume est vide. Tous comprennent qu'il s'agit de la Mort Rouge elle-même et ils meurent les uns après les autres. Les sols des chambres sont remplis de sang et l'horloge s'arrête de sonner. Analyse Dans Le Masque de la mort rouge, Poe adopte plusieurs conventions du roman gothique traditionnel, notamment le cadre de l'intrigue une abbaye médiévale fortifiée. Les différentes pièces décorées dans une couleur unique ont été vues comme des représentations de l'esprit humain, indiquant différents types de personnalités. L'imagerie du sang et du temps est associée au domaine corporel alors que l'épidémie peut représenter les attributs typiques de la vie et de la mortalité[1]. Ceci implique que toute l'histoire est une allégorie à propos des vaines tentatives de l'être humain pour conjurer la mort, interprétation qui est communément acceptée[2]. Toutefois, certains analystes de l'œuvre de Poe la contestent et soutiennent que la nouvelle n'est pas allégorique, s'appuyant en cela sur le mépris du didactisme en littérature affiché par Poe[3]. Si l'histoire a vraiment une morale, Poe n'établit pas explicitement quelle est cette morale[4]. La nouvelle pourrait donc aussi traiter du thème de la vengeance, imaginée par Poe d'après ses observations des distinctions des classes sociales et sublimée par ses propres frustrations, où les riches indifférents subissent le sort qu'ils méritent ». Le narrateur omniscient du récit présente l'arrivée de la Mort Rouge de façon impassible, comme une conséquence logique de la dépravation morale. Le sang, mis en avant dans l'histoire à travers la couleur rouge, représente à la fois la vie et la mort. La figure masquée, qui n'est jamais explicitement désignée comme la Mort Rouge elle-même mais seulement comme un invité costumé, fait en effet son apparition dans la pièce décorée en bleu, couleur souvent associée avec la naissance[5]. Bien que l'abbaye fortifiée ait pour fonction de préserver ses habitants de l'épidémie, elle est en fait un élément oppressant. Sa conception à la façon d'un labyrinthe et ses fenêtres grandes et étroites deviennent presque burlesques dans la pièce noire, tellement oppressante que bien peu de danseurs se sentaient le courage de mettre les pieds dans son enceinte magique »[6]. De plus, l'abbaye est censée être un espace clos et impénétrable mais l'étranger en costume de Mort Rouge s'y introduit aisément, suggérant que le contrôle est une illusion[7]. Comme nombre de récits de Poe, Le Masque de la mort rouge peut également être vu de façon autobiographique. De ce point de vue, le prince Prospero représente Poe, un riche jeune homme faisant partie d'une famille distinguée comme l'étaient les parents adoptifs de Poe. Suivant cette interprétation, Poe cherche à se protéger des dangers du monde extérieur, et son portrait de lui-même comme la seule personne voulant se confronter à l'étranger est emblématique de la propension de l'écrivain à se précipiter dans les ennuis[8]. La maladie appelée Mort Rouge » est fictive. Poe la décrit comme causant des douleurs aigües, un vertige soudain, et puis un suintement abondant par les pores, et la dissolution de l'être » avec comme symptôme des taches pourpres… sur le visage de la victime », et entraînant la mort en une demi-heure. Il est probable que cette maladie soit inspirée par la tuberculose puisque l'épouse de Poe, Virginia, en souffrait au moment où la nouvelle a été écrite. Poe, tout comme le personnage du prince Prospero, tente d'ignorer l'issue fatale de cette maladie, qui a déjà emporté sa mère et son frère[9]. Mais la Mort Rouge peut aussi faire référence au choléra, Poe ayant été témoin d'une épidémie de cette maladie à Baltimore en 1831[10]. D'autres analystes ont suggéré qu'il s'agissait en fait de la peste bubonique représentant plus particulièrement l'épidémie de peste noire en se basant sur la fin du récit représentant la Mort Rouge » dans la pièce noire[11]. Enfin, il a également été suggéré que la Mort Rouge n'est pas une maladie mais quelque chose qui est partagé de façon inhérente par toute l'humanité[12]. Adaptations et influences de la nouvelle Adaptations cinématographiques Le Fantôme de l'Opéra costumé en Mort Rouge dans le film de 1925. 1964 Le Masque de la mort rouge The Masque of the Red Death, film de Roger Corman. 1989 Le Masque de la mort rouge Masque of the Red Death, film de Larry Brand. 2005 Le Masque de la mort rouge, dessin animé de Jean Monset et Timothy Hannem. De plus, plusieurs adaptations du Fantôme de l'Opéra celles de 1925, 1989 et 2004, ainsi que la comédie musicale de 1986 présente le fantôme dans un costume de la Mort Rouge. Fritz Lang s'est inspiré de la nouvelle pour créer le scénario de La Peste à Florence 1919. Influences littéraires Dans Le Fantôme de l'Opéra 1911, roman de Gaston Leroux, Erik le fantôme se déguise en Mort rouge à l'occasion d'un bal costumé, affichant au grand jour son visage de lépreux à l'insu des invités, qui s'ébahissent devant le réalisme de son soi-disant masque. Stephen King fait quelques références à la nouvelle dans son roman Shining, l'enfant lumière 1977. L'histoire est évoquée dans un passage du roman de Tom Wolfe, Le Bûcher des vanités 1987. Dans les romans de Terry Pratchett, Le Huitième Sortilège 1986 et Masquarade 1995, le personnage de La Mort fait référence au récit. Neil Gaiman mentionne brièvement l'histoire dans son roman Neverwhere 1996, et la première histoire de Nuits éternelles 2003 a été influencée par la nouvelle. Le dernier chapitre du roman Le Corps et le sang d’Eymerich 1999, de Valerio Evangelisti, porte le même titre que la nouvelle et reprend son intrigue. À l'estomac 2005, roman de Chuck Palahniuk, commence par une citation du récit de Poe. Une scène centrale du roman Terreur 2007 de Dan Simmons fait directement allusion à la nouvelle. Dans Chroniques martiennes 1950, Ray Bradbury fait allusion à la Mort Rouge dans Usher II à la fin de la nouvelle, la Mort Rouge apparaît après qu'aient retenti les douze coups de minuit dans les sept pièces de la Maison Usher. Adaptations musicales La nouvelle a inspiré plusieurs œuvres musicales dont Un ballet de Joseph Holbrooke 1913. Le Conte fantastique d'André Caplet, pour harpe et quatuor à cordes 1923. Un ballet de Cyril Scott 1930. Masque of The Red Death, chanson du groupe Stormwitch qui fait partie de leur album Tales of Terror 1985. Masque of the Red Death, chanson du groupe Manilla Road qui fait partie de leur album Mystification 1987. Masque of the Red Death, chanson du groupe Crimson Glory qui fait partie de leur album Transcendence 1988. Masque of the Red Death, instrumental du guitariste Michael Romeo qui fait partie de son album The Dark Chapter 1994. Mask of the Red Death, chanson du groupe Samael qui fait partie de leur album Ceremony Of Opposites 1994. Lettera al futuro, chanson d'Eros Ramazzotti qui fait partie de son album Dove c'è musica 1996. And When He Falleth chanson du groupe Theatre of Tragedy qui fait partie de leur album Velvet Darkness They Fear 1996. The Red Death, chanson du groupe Thrice qui fait partie de leur album The Illusion of Safety 2002. Masque of the Red Death, chanson du groupe Nox Arcana qui fait partie de leur album Shadow of the Raven 2007. Le Fantôme du Château, ballet de Igor Piovano et Kathryn Bradney 2008. The Red Death Bal, chanson de Hana Pestle qui fait partie de son album This Way 2009. Beneath The Mask, chanson du groupe Bell Witch qui fait partie de leur album Longing 2012, utilise un sample du film de Roger Corman 1964. Le Masque de la Mort Rouge, concept album de Corvus Corax groupe 2021, avec une lecture du texte de la nouvelle par Alan Simon. Autres médias Le jeu vidéo Under a Killing Moon 1994 comprend des interludes dans lesquels l'acteur James Earl Jones lit des passages de la nouvelle. Un décor de campagne du jeu de rôle Donjons et Dragons s'intitule The Masque of the Red Death and other tales 1994. À l'origine simple extension de son homologue Ravenloft, il met en scène notre monde dans les années 1890 et s'incrit dans le genre de la fantasy urbaine de nombreux êtres surnaturels mages, vampires, zombies, rakshasas... au service d'une entité maléfique la "Mort Rouge" du titre vivent à l'écart de notre société et planifient sa chute. Le tout est inspiré d'auteurs comme Conan Doyle, Stoker, Shelley, Poe ou encore Lovecraft. La Trilogie de la Mort Rouge écrite par Robert Weinberg en 1995, se situant dans l'univers de jeu de rôle du Monde des ténèbres reprend volontairement le titre en hommage à Poe. Un roman graphique de Wendy Pini, Masque of the Red Death 2007, est une adaptation futuriste de la nouvelle. Dans le jeu de rôle Warhammer, l'intrigue du récit a été transposé dans la ville de Moussillon, en Bretonnie. Dans un des comics relié au jeu Overwatch, jouant sur la référence de la nouvelle, l'un des personnages, Faucheur, porte le costume de la Mort Rouge. Dans le jeu vidéo Persona 5 la chanson Beneath the mask fait référence à Edgar Allan Poe et à son livre le Masque de la mort rouge. Pour sa collection Automne-Hiver 2020-2021, le directeur artistique de la maison italienne Marni, Francesco Risso, s'inspira du Prince Prospero et de la nouvelle Le Masque de la Mort rouge pour son défilé[13]. Références en Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé The Masque of the Red Death » voir la liste des auteurs. ↑ en Benjamin Fisher, The Cambridge Companion to Edgar Allan Poe, Cambridge University Press, 2002, Poe and the Gothic tradition », p. 88 ↑ en Joseph Roppolo, Poe A Collection of Critical Essays, Prentice-Hall, Inc., 1967, Meaning and 'The Masque of the Red Death », p. 137 ↑ en Joseph Roppolo, Poe A Collection of Critical Essays, Prentice-Hall, Inc., 1967, Meaning and 'The Masque of the Red Death », p. 134 ↑ en Arthur Hobson Quinn, Edgar Allan Poe A Critical Biography, Johns Hopkins University Press, 1998, p. 331 ↑ en Joseph Roppolo, Poe A Collection of Critical Essays, Prentice-Hall, Inc., 1967, Meaning and 'The Masque of the Red Death », p. 141 ↑ en Sabrina Laurent, Metaphor and Symbolism in The Masque of the Red Death », Boheme An Online Magazine of the Arts, Literature, and Subversion, juillet 2003 ↑ en Scott Peeples, The Cambridge Companion to Edgar Allan Poe, Cambridge University Press, 2002, Poe's 'constructiveness' and 'The Fall of the House of Usher' », p. 186 ↑ en David M. Rein, Edgar A. Poe The Inner Pattern, Philosophical Library, 1960, p. 33 ↑ en Kenneth Silverman, Edgar A. Poe Mournful and Never-ending Remembrance, Harper Perennial, 1991, p. 180-181 ↑ en Jeffrey Meyers, Edgar Allan Poe His Life and Legacy, Cooper Square Press, 1992, p. 133 ↑ en Michael J. Cummings, The Masque of the Red Death A Study Guide », sur consulté le 23 novembre 2011 ↑ en Joseph Roppolo, Poe A Collection of Critical Essays, Prentice-Hall, Inc., 1967, Meaning and 'The Masque of the Red Death », p. 139-140 ↑ en-US Tiziana Cardini, Marni Fall 2020 Menswear Collection », sur Vogue consulté le 4 mars 2021 Liens externes Edgar Allan Poe 1809-1849 Nouvelles Metzengerstein 1832 Le Duc de l'Omelette 1832 Un événement à Jérusalem 1832 Manuscrit trouvé dans une bouteille 1833 Bérénice 1835 Morella 1835 Lionnerie 1835 Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall 1835 Ombre 1835 Le Roi Peste 1835 Quatre bêtes en une 1836 Silence 1837 Ligeia 1838 Le Diable dans le beffroi 1839 La Chute de la maison Usher 1839 William Wilson 1839 Conversation d'Eiros avec Charmion 1839 L'Homme des foules 1840 Double Assassinat dans la rue Morgue 1841 Une descente dans le Maelstrom 1841 L'Île de la fée 1841 Colloque entre Monos et Una 1841 Éléonora 1841 La Semaine de trois dimanches 1841 Le Portrait ovale 1842 Le Masque de la mort rouge 1842 Le Mystère de Marie Roget 1842 Le Puits et le Pendule 1842 Le Cœur révélateur 1843 Le Scarabée d'or 1843 Le Chat noir 1843 Les Lunettes 1844 Le Canard au ballon 1844 Souvenirs de M. Auguste Bedloe 1844 La Lettre volée 1844 Révélation magnétique 1844 La Caisse oblongue 1844 L'Ange du bizarre 1844 Petite discussion avec une momie 1845 Puissance de la parole 1845 Le Démon de la perversité 1845 Le Système du docteur Goudron et du professeur Plume 1845 La Vérité sur le cas de M. Valdemar 1845 Le Sphinx 1846 La Barrique d'amontillado 1846 Le Domaine d'Arnheim 1847 Hop-Frog 1849 Le Cottage Landor 1849 Roman Les Aventures d'Arthur Gordon Pym 1837 Le Journal de Julius Rodman 1840, inachevé Poèmes Lénore 1843 Le Corbeau 1845 Eureka 1848 Les Cloches 1849 Annabel Lee 1849 Famille Edgar Allan Poe procureur général Elizabeth Poe John Prentiss Poe Neilson Poe Neilson Poe football américain Rosalie Poe Virginia Poe William Henry Poe Entourage Charles Frederick Briggs William Evans Burton Thomas Holley Chivers Thomas Dunn English George Rex Graham Rufus Griswold John P. Kennedy George Lippard Frances Sargent Osgood Sarah Elmira Royster Sarah Helen Whitman Traducteurs Charles Baudelaire Christian Garcin Thierry Gillybœuf Émile Hennequin William Little Hughes Alain Jaubert Léon Lemonnier Stéphane Mallarmé Jean-Pierre Naugrette Félix Rabbe Claude Richard Articles connexes Influence littéraire d'Edgar Allan Poe Influence d'Edgar Allan Poe Edgar Allan Poe dans la culture populaire Liste d'adaptations d'œuvres d'Edgar Allan Poe à la télévision et au cinéma Hommages Cottage Edgar Allan Poe Edgar Allan Poe National Historic Site Maison et musée Edgar Allan Poe Musée Edgar Allan Poe Richmond Rue Edgar-Poe Prix Edgar-Allan-PoeLeMasque de la mort rouge (The Masque of the Red Death) est un film fantastique américano-britannique de Roger Corman, sorti en 1964. Sommaire. 1 Synopsis; 2 Fiche technique; 3 Distribution; 4 Autour du film; 5 Liens externes; 6 Sources et références Synopsis. Au Moyen Âge, en Italie, la peste fait des ravages. Le prince Prospero convie plusieurs nobles à se réfugier Description "La Mort Rouge avait pendant longtemps dépeuplé la contrée. Jamais peste ne fut si fatale, si horrible. Son avatar, c'était le sang, la rougeur et la hideur du sang. C'étaient des douleurs aiguës, un vertige soudain, et puis un suintement abondant par les pores, et la dissolution de l'être. Des taches pourpres sur le corps, et spécialement sur le visage de la victime, la mettaient au ban de l'humanité, et lui fermaient tout secours et toute sympathie. L'invasion, le résultat de la maladie, tout cela était l'affaire d'une demi-heure." C'est ici dans la fête, la farce et la mascarade qu'Edgar Allan Poe fait naître ses histoires. Et quand arrive le moment, la plaisanterie devient terriblement macabre. Le comédien Serge Djen se sert de tout son art pour nous conter ces trois histoires extraordinaires. L'auteur Né à Boston en 1809, Edgar Poe, orphelin de comédiens pauvres, est recueilli à 3 ans par un riche négociant en tabac. Il connaît une vie instable marquée par la misère, la mort des femmes qu'il aime et l'alcool. "Ma terreur ne vient pas de l'Allemagne, disait-il, mais du fond de mon âme". Génial maître du fantastique et de l'épouvante, notamment avec ses Histoires extraordinaires, révélé par Baudelaire qui le traduisit, il suscita en France un véritable culte. "L'inventeur des combinaisons les plus neuves et les plus séduisantes de la logique avec l'imagination, de la mysticité avec le calcul, le psychologue de l'exception, l'ingénieur littéraire" dira de lui Paul Valéry. Il meurt à Baltimore en 1849. P Des Oreilles Pour Lire, 2008LeMasque de la mort rouge was written in the year 1842 by Edgar Allan Poe. This book is one of the most popular novels of Ga naar zoeken Ga naar hoofdinhoud. profitez du shopping sans soucis. 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Un événement surnaturel Lecture analytique d'un extrait du masque de la mort rouge » La peste que l’on nomme la Mort rouge s’est abattue sur le pays et fait des ravages d’une ampleur inouïe. Le riche prince Prospero décide alors de se retirer dans une abbaye fortifiée avec mille amis choisis pour y vivre une vie de plaisir en attendant que le mal passe. Au bout de quelques mois, le prince propose un bal masqué dans sept salles de couleurs différentes. Et la fête tourbillonnait toujours lorsque s’éleva enfin le son de minuit de l’horloge. Alors, comme je l’ai dit, la musique s’arrêta ; le tournoiement des valseurs fut suspendu ; il se fit partout, comme naguère, une anxieuse immobilité. Mais le timbre de l’horloge avait cette fois douze coups à sonner ; aussi, il se peut bien que plus de pensées se soit glissée dans les méditations de ceux qui pensaient parmi cette foule festoyante. Et ce fut peut-être aussi pour cela que plusieurs personnes parmi cette foule, avant que les derniers échos du dernier coup fussent noyés dans le silence, avaient eu le temps de s’apercevoir de la présence d’un masque qui jusque-là n’avait aucunement attiré l’attention. Et, la nouvelle de cette intrusion s’étant répandue en un chuchotement à la ronde, il s’éleva de toute l’assemblée un bourdonnement, un murmure significatif d’étonnement et de désapprobation, - puis, finalement, de terreur, d’horreur et de dégoût. Dans une réunion de fantômes telle que je l’ai décrite, il fallait sans doute une apparition bien extraordinaire pour causer une telle sensation [...] Toute l’assemblée parut alors sentir profondément le mauvais goût et l’inconvenance de la conduite et du costume de l’étranger. Le personnage était grand et décharné 1, et enveloppé d’un suaire 2 de la tête aux pieds. Le masque qui cachait le visage représentait si bien la physionomie d’un cadavre raidi, que l’analyse la plus minutieuse aurait difficilement découvert l’artifice. Et cependant, tous ces fous joyeux auraient peut-être supporté, sinon approuvé, cette laide plaisanterie. Mais le masque avait été jusqu’à adopter le type de la Mort rouge. Son vêtement était barbouillé de sang, - et son large front, ainsi que tous les traits de sa face, étaient aspergés de l’épouvantable écarlate. Quand les yeux du prince Prospero tombèrent sur cette figure de spectre [...], on le vit d’abord convulsé par un violent frisson de terreur et de dégoût ; mais, une seconde après, son front s’empourpra de rage. - Qui ose, - demanda-t-il, d’une voix enrouée, aux courtisans debout près de lui, - qui ose nous insulter par cette ironie blasphématoire 3 ? Emparez-vous de lui, et démasquez-le - que nous sachions qui nous aurons à pendre aux créneaux, au lever du soleil ! [...] Mais, par suite d’une certaine terreur indéfinissable que l’audace insensée du masque avait inspirée à toute la société, il ne se trouva personne pour lui mettre la main dessus ; si bien que, ne trouvant aucun obstacle, il passa à deux pas de la personne du prince ; et pendant que l’immense assemblée, comme obéissant à un seul mouvement, reculait du centre de la salle vers les murs, il continua sa route sans interruption, de ce même pas solennel et mesuré qui l’avait tout d’abord caractérisé, de la chambre bleue à la chambre pourpre, - de la chambre pourpre à la chambre verte, - de la verte à l’orange, - de celle-ci à la blanche, et de celle-là à la violette, avant qu’on eût fait un mouvement décisif pour l’arrêter. Ce fut alors, toutefois, que le prince Prospero, exaspéré par la rage et la honte de sa lâcheté d’une minute, s’élança précipitamment à travers les six chambres, où nul ne le suivit ; car une terreur mortelle s’était emparée de tout le monde. Il brandissait un poignard nu, et s’était approché impétueusement 4 à une distance de trois ou quatre pieds 5 du fantôme qui battait en retraite, quand ce dernier, arrivé à l’extrémité de la salle de velours, se retourna brusquement et fit face à celui qui le poursuivait. Un cri aigu partit, - et le poignard glissa avec un éclair sur le tapis funèbre où le prince Prospero tombait mort une seconde après. Alors, invoquant le courage violent du désespoir, une foule de masques se précipita à la fois dans la chambre noire ; et, saisissant l’inconnu, qui se tenait, comme une grande statue, droit et immobile dans l’ombre de l’horloge d’ébène, ils se sentirent suffoqués par une terreur sans nom, en voyant que sous le linceul et le masque cadavéreux, qu’ils avaient empoignés avec une si violente énergie, ne logeait aucune forme palpable. On reconnut alors la présence de la Mort rouge. Elle était venue comme un voleur de nuit. Et tous les convives tombèrent un à un dans les salles de l’orgie inondées d’une rosée sanglante, et chacun mourut dans la posture désespérée de sa chute. Et la vie de l’horloge d’ébène disparut avec celle du dernier de ces êtres joyeux. Et les flammes des trépieds expirèrent. Et les Ténèbres, et la Ruine, et la Mort rouge, établirent sur toutes choses leur empire illimité. Edgar Allan Poe Notes 1 - Décharné Qui n’a de plus de chair, très maigre. 2 - Suaire linceul, toile dans laquelle on ensevelit un mort. 3 - Blasphématoire insultante. 4 - Impétueusement avec vivacité, fougue. 5 - Pieds unité de mesure valant 0,348 mètre. Lecture analytique Une fête donnée par le prince Prospero dont le nom évoque la prospérité a lieu pendant cette sombre période durant laquelle la peste sévit. Tous les mots qui suivent se rapportent au thème de l'amusement, de la fête la fête tourbillonnait », la musique », le tournoiement des valseurs », cette foule festoyante », ces fous joyeux ». Lors de cette fête, un individu fait irruption. Le deuxième paragraphe le décrit comme portant un masque représentant le visage d’un cadavre raidi et barbouillé de sang. La fin de l’extrait révèle qu’il n’y a rien derrière ce masque, qu’il n’y a aucune forme palpable ». En fait, il s’agit de la mort personnifiée, de la peste elle-même qui s’invite à la fête. Son intrusion provoque l’effroi. Le mot terreur » répété plusieurs fois le montre bien. On peut ainsi relever le champ lexical de la peur anxieuse », de terreur, d’horreur et de dégoût », épouvantable », un violent frisson de terreur et de dégoût », une certaine terreur indéfinissable », une terreur mortelle », une terreur sans nom ». Dès le début, l’atmosphère est inquiétante. Les douze de coups de minuit sonnent, puis la musique s’arrête dans une anxieuse immobilité » des convives. D'entrée, les convives sont condamnés. Ils ne sont qu'une "réunion de fantômes". De fait, la mort est omniprésente lors de cette soirée. C'est ce que montrent les termes fantômes » répété deux fois, suaire », cadavre raidi », sang », spectre », pendre », funèbre », linceul », masque cadavéreux » et rosée sanglante ». L'horloge elle-même a partie liée avec la mort. Lorsqu'elle s'arrête, la vie s'arrête. L’apparition de la Mort rouve provoque une terreur sans nom, précisément parce qu’elle est innommable on ne peut pas la nommer. Quelque chose qui n’existe pas se manifeste. C’est un événement surnaturel les lois de la nature, du quotidien, du réel sont bouleversées par l’irruption de la mort qui s’est incarnée dans ce personnage inquiétant dont le masque cadavéreux ne cache aucun individu. Le texte s’achève sur un dernier événement surnaturel l’horloge cesse de marquer le temps en même temps que la vie cesse, que la mort établit son empire. Partager À voir également Définition du fantastique Tzvetan Todorov Le Horla Satan, brève histoire du diable Le diable amoureux
Résumé Le Masque de la mort rouge (The Masque of the Red Death) est une nouvelle d'Edgar Allan Poe publiée pour la première fois en mai 1842 dans le Graham's Lady's and Gentleman's Magazine sous le titre The Mask of the Red Death, avec le sous-titre A Fantasy. Une version révisée est parue le 19 juillet 1845 dans le Broadway Journal sous
Poe, Lorrain et le spectre de la variole Catriona Seth Résumé L’article tente de montrer, à partir d’une célèbre nouvelle de Poe, comment Jean Lorrain réinvestit un topos littéraire bien connu pour le renouveler. Dans La Vengeance du masque, l’auteur normand se sert du déguisement carnavalesque pour montrer une mort qui arrive de manière subreptice, comme une subtile vengeance sans appel. Avec la figure de l’étranger qui contamine de la petite vérole, il se situe dans la représentation de hantises qui n’ont pas disparu de nos jours. Taking a famous short story by Poe as its starting point, the article attempts to show how Jean Lorrain renews a well-known literary topos. In La Vengeance du masque, the Normand author uses carnival disguises to show death arriving surreptitiously like a subtle and unavoidable vengeance. With the figure of a stranger who communicates smallpox, he takes his place in a tradition of the representation of fears which still have currency nowadays. Texte intégral 1 Pierre Fauchery, La Destinée féminine dans le roman européen du XVIIIe siècle 1713-1807. Essai de ... La petite vérole […] est une affection de grande utilité – et de grande tradition – romanesque. Et l’on serait presque tenté de plaindre les romanciers de l’âge futur, que la généralisation du vaccin allait priver d’une ressource aussi assurée. Cette infortune est une des voies royales du destin1. 2 Rappelons que petite vérole » et variole » désignent la même maladie, le premier terme étant p ... 3 Toutes nos citations du Masque de la mort rouge proviennent de la traduction par Baudelaire Edga ... 4 La mort rouge telle que la décrit Poe semble être une sorte de peste sanglante. La variole est par ... 5 Voir en particulier ses Histoires de masques ou un chapitre de Phocas. 1Pierre Fauchery, dans son ouvrage sur La destinée féminine au XVIIIe siècle, est l’auteur de ces quelques lignes plaisantes et érudites. Ne lui en déplaise, l’arrivée du vaccin, dans la foulée des travaux de Jenner, au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, ne suffit pas à mettre un terme à des contagions littéraires et la variole est restée un thème très riche pour les romanciers et nouvellistes2. Poe se souvient de l’horreur inspirée par l’apparence des malades lorsqu’il imagine une épidémie terrible qui fait le fonds du Masque de la mort rouge3. Le prince Prospero s’y barricade dans un palais magnifique avec ses courtisans pour échapper à la pandémie. La Mort rouge4 frappe lors d’un bal masqué. Chez Jean Lorrain, grand amateur de masques, auxquels il consacre plusieurs écrits5, La vengeance du masque réinvestit le thème de la variole. Je souhaiterais, en croisant ces nouvelles, examiner les différents éléments topiques de l’imaginaire de la variole tels qu’ils sont utilisés par les deux écrivains et renouvelés par Lorrain. 6 Jean Lorrain, La Vengeance du masque, Le Crime des riches, Paris, Pierre Douville, 1905, p. 211-22 ... 2Observons tout d’abord quelques faits autour de La vengeance du masque. Le texte figure au sein du Crime des riches et le titre du recueil pourrait également s’appliquer à la nouvelle. Rappelons de quoi il s’agit. Maxence de Mergy raconte à des amis une histoire de masques qui s’est déroulée dans le décor le plus gai et le plus banal, le plus remuant et le plus ensoleillé qui soit au monde ; dans la ville même de la folie et de l’opéra bouffe en plein carnaval de Nice »6. L’année précédente, le narrateur a suivi, parmi la foule, M. et Mme Campalou, des commerçants enrichis qui ont fait fortune dans la passementerie, et qui sont descendus dans le même hôtel que lui. Il les décrit ainsi 7 Ibid., p. 215. […] un ménage toulousain et pas tout jeune ; car madame frisait bien la quarantaine, bonne grosse commère réjouie avec, sur la lèvre, un soupçon de moustache, l’œil vif, le cortège en bastion, une vraie délurée de Toulouse venue exprès pour les fêtes, et qui n’entendait pas chômer à ce carnaval. Le mari, guère plus âgé, avec un beau profil classique un peu empâté par la vie de province, quoique encore solide et l’air d’un luron, était d’aspect plus calme7. 8 Ibid., p. 218. 3Enchantée de l’ambiance, Eudoxie Campalou, charmante par son entrain et son exubérance », a prévenu qu’elle ne supporterait pas d’être l’objet des attouchements de quelque fêtard déluré. Or cela ne manque pas d’arriver, ce qui déclenche la furie de la dame à l’encontre de son agresseur – Cochon, salop ! hurlait-elle, depuis une heure que vous me pelotez ! »8 Elle tente alors d’arracher le masque d’un grand domino de satin noir et y arrive enfin L’homme démasqué avait poussé un effroyable cri. Le treillage de fer, en se déchirant, lui avait labouré le visage. Une rigole rouge coulait de l’œil gauche ; le nez, le front n’étaient qu’une éraflure, l’homme avait toute la face en sang. 9 Moi, la vision m’obsédait de cet homme défiguré et sanglant. Sa dernière recommandation à son co ... 4L’homme est un Américain. Mergy apprend qu’on craint pour son œil gauche9. 5On observe que le point de non-retour est celui lors duquel le masque est arraché à l’inconnu. Mergy avait rappelé à son auditoire qu’il s’agissait là d’une transgression inacceptable car le carnaval a ses règles. Malheur à celui – ou à celle – qui les oublie 10 Ibid., p. 213-214. Par une convention tacite et acceptée de tous le masque seul est respecté ce jour-là. Sous aucun prétexte on n’a le droit de l’enlever au domino ou au clown qui vous attaque et vous houspille. C’est ce masque inviolable et préservateur qui fait la gaieté de la rue, les jours de corso10. 6Chez Poe, le prince Prospero a souhaité voir ses convives masqués mais, apercevant dans son palais un inconnu travesti en mort, il commence par exiger qu’on lui enlève son déguisement Emparez-vous de lui, et démasquez-le. » Là encore, une convention semble avoir été bafouée. On découvrira que sous le linceul et le masque cadavéreux […] ne logeait aucune forme humaine. » 11 Ibid., p. 221. 7Une année après l’altercation entre Eudoxie et l’inconnu devant la pharmacie de l’avenue de la Gare, Mergy retrouve le ménage Campalou. L’épouse paraît moins enthousiasmée que lors du précédent carnaval. Son entrain a disparu et, surtout, les bruits d’épidémie, qu’une presse malveillante s’obstinait à faire courir sur Nice, ne laissaient pas d’inquiéter la grosse dame. […] Eudoxie Campalou craignait pour son joli physique. »11 Une famille américaine – et étant donnée la nationalité de l’indiscret qui avait peloté » la Toulousaine l’année d’avant, il n’est pas surprenant que la famille soit originaire du nouveau monde – vient de quitter l’hôtel. Le soir même, deux autres Américains y descendent 12 Ibid., p. 221. On leur donnait justement deux chambres voisines de celles des Campalou. C’étaient deux grands jeunes gens de vingt-cinq à trente ans, à la face rasée et singulièrement énergique ; des traits accusés et modelés dans le genre de ceux d’Iwing, l’acteur anglais. Tous deux très graves et très froids, avec, chez le plus jeune, une étrange fixité des yeux. D’ailleurs, nous ne les vîmes pas longtemps car, trois jours après leur arrivée, le plus jeune tombait malade. Il s’alitait et bientôt l’autre cessa de prendre ses repas à la table d’hôte l’état de son ami empirait. C’étaient de perpétuelles allées et venues de médecins et de garçons de pharmacie le maître de l’hôtel interrogé répondait que c’était une fièvre, mais à son air embarrassé, Mme Campalou ne douta plus que ce ne fût la variole12. 13 Ibid. 8Où fuir, si c’était le cas ? Aucune chambre n’est libre dans la ville en période de carnaval. Et puis l’épidémie était partout ; c’était ces sacrés Anglais qui l’avaient apportée »13. Il est de tradition d’incriminer un étranger lorsque frappe une pandémie. Le marin débarqué, le voyageur de commerce, le touriste, apportant l’infection dans une ville, sont à l’image du germe étranger s’infiltrant dans le corps. Le mal vient d’ailleurs. Anglais ou Américains deviennent les porteurs d’une corruption invisible. 14 Chez Lorrain, qui donne un cadre réaliste, celui de cette Côte d’Azur qui lui était si chère, l’ho ... 9On n’échappe pas à la petite vérole, les deux écrivains l’assurent14. Le prince Prospero a beau avoir construit une forteresse imprenable, rien n’y fera C’était un vaste et magnifique bâtiment, une création du prince, d’un goût excentrique et cependant grandiose. Un mur épais et haut lui faisait une ceinture. Ce mur avait des portes de fer. Les courtisans, une fois entrés, se servirent de fourneaux et de solides marteaux pour souder les verrous. Ils résolurent de se barricader contre les impulsions soudaines du désespoir extérieur et de fermer toute issue aux frénésies du dedans. L’abbaye fut largement approvisionnée. Grâce à ces précautions, les courtisans pouvaient jeter le défi à la contagion. Le monde extérieur s’arrangerait comme il pourrait. En attendant, c’était folie de s’affliger ou de penser. Le prince avait pourvu à tous les moyens de plaisir. Il y avait des bouffons, il y avait des improvisateurs, des danseurs, des musiciens, il y avait le beau sous toutes ses formes, il y avait le vin. En dedans, il y avait toutes ces belles choses et la sécurité. Au-dehors, la Mort rouge. 15 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 222. 10Dans Nice contaminée, la maladie du jeune homme n’est peut-être pas celle que l’on croit. Le nom même de variole désigne, étymologiquement, la variété. Elle a des formes multiples et l’on peine parfois à la distinguer d’autres pathologies semblables comme la rougeole. Surtout, elle partage traditionnellement son nom avec un mal moins grave mais plus honteux. À la petite vérole ou variole répond sa grande sœur, la vérole tout court ou la grosse ou grande vérole la syphilis. Lorsque Louis xv meurt, en 1774, de la petite vérole, un bon mot court dans les salons parisiens Il n’est rien de petit chez les rois. La même idée est reprise par Lorrain. La nature de la fièvre du jeune homme inquiète Eudoxie Campalou qui interroge l’hôtelier ne serait-ce pas la petite vérole ? – Non, c’est l’autre… » La réponse clou [e] le bec à la dame de Toulouse »15 et la rassure du même coup. La fête peut continuer. 16 Ibid., p. 220. 11Les univers de nos deux écrivains semblent marqués par une insouciance criminelle. La mort rôde alentour. Le prince Prospero organise son bal pendant que le fléau sévissait au-dehors avec le plus de rage ». Chez Lorrain, les Histoires de masques sont souvent l’occasion de mettre en scène des jalousies, des crimes, des assassinats. Dans la nouvelle qui nous intéresse, au moment du carnaval, les bruits d’épidémie font fuir les touristes C’étaient tous les jours des départs d’hiverneurs pour le Caire ou l’Italie. La saison était menacée. »16 Une angoisse sourde étreint la dame toulousaine. Chez l’auteur américain, le temps – emblématisé par la pendule qui sonne les heures – introduit un malaise chez les danseurs et les membres de l’orchestre, convertissant leur sentiment de bonheur en une hilarité légère et mal contenue », un peu comme chez Lorrain où la conscience d’une épidémie paraît hanter l’environnement. 17 Je souligne. 12Malgré ce climat délétère, les masques s’en donnent à cœur joie. Dans le palais du prince, marqué par une licence carnavalesque »17, les déguisements sont surprenants et bigarrés Il y avait des figures vraiment grotesques, absurdement équipées, incongrûment bâties ; des fantaisies monstrueuses comme la folie ; il y avait du beau, du licencieux, du bizarre en quantité, tant soit peu de terrible, et du dégoûtant à foison. Bref, c’était comme une multitude de rêves qui se pavanaient çà et là dans les sept salons. 18 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 221. 13À Nice, Mergy et ses amis toulousains rejoignent les foules harnachés de dominos et affublés de masques de combat »18 au milieu d’une bataille de confetti. Le narrateur a rappelé à ses auditeurs, au début de l’histoire, ce qu’est le climat particulier de cette période de fête 19 Ibid., p. 212. Vous connaissez tous, n’est-ce pas, le carnaval de la Riviera ? Trois jours entiers, la joie de sauter et de se déhancher tient tous les quartiers. Nice est une ville de possédés ; une folie de mascarade est déchaînée du Vieux-Port aux Baumettes. C’est un cauchemar de farandoles et de carmagnoles, un hourivari de bonds, d’entrechats, de pirouettes et de cris. Il y a des rondes d’alpins et d’artilleurs de forteresse, pêle-mêle avec des pierrots de satinette, des clowns de percale rose et des dominos de serge verte19. 20 Ibid., p. 222. 21 Lawrence Durrell, Mountolive, Le Quatuor d’Alexandrie, Paris, Librairie générale française, La Po ... 14Sur le lieu même où, l’année précédente, elle a été victime d’attouchements et s’est vengée en arrachant le masque de son agresseur, Mme Campalou aura à subir un nouvel affront. Aux deux masques noirs du carnaval antérieur ont succédé deux pénitents rouges ». Ils ont la couleur de la variole. L’un d’entre eux palpe la Toulousaine d’une main indiscrète ». Effarée la femme voit l’un des deux pénitents se démasquer Une face purulente, toute de croûtes et de sanies, avec à la place de l’œil, un trou rouge et saigneux, se penchait sur elle. »20 La description rappelle celle de nombreux malades de la petite vérole, le visage éraillé, un œil perdu, les traits déformés au point d’être devenus méconnaissables à eux-mêmes. Un personnage fictif du XXe siècle, victime de la variole, la Léila de Lawrence Durrell, décrit ainsi l’étrange expérience de voir son propre visage criblé de petits cratères, ses traits boursouflés – comme un paysage familier ravagé par une explosion »21. L’abbé Roman, quant à lui, auteur, en 1773, d’un poème de quatre chants en alexandrins sur L’inoculation, dédié à l’impératrice de toutes les Russies, brosse un tableau des traces cutanées de la variole 22 [Jean-Joseph-Thérèse Roman], L’Inoculation, poème en quatre chants par M. L. R., Paris, Lacombe, 1 ... Mais déjà sur la peau le mal s’ouvre un passage,D’innombrables boutons aplatis, entassés,De leur masque hideux couvrent un beau l’épiderme enflé, réunis et pressés,Ils forment une écaille et luisante et blanchâtre,Qui se brise bientôt et change de couleur ;Enfin le masque tombe, ô surprise ! ô douleur !Est-ce donc là ce teint d’incarnat et d’albâtre,Cette bouche de rose et ce regard vainqueur ?Je ne vois qu’une peau sillonnée et rougeâtre,Que des yeux éraillés dont le regard fait peur22. 15Marqué par de tels stigmates, l’homme au visage déformé, affreuse vision en plein carnaval, remet dans la main d’Eudoxie Campalou un œil de verre et lui dit La petite vérole noire, madame, la variole en personne. Vous l’avez. » L’œil en verre rappelle celui qui manque à l’homme mystérieux et semble être un don par anticipation, avertissant la destinatrice qu’elle risque elle-même les pires effets de la maladie, la variole entraînant souvent, parmi ses effets, la perte d’un œil. Par ailleurs, le propos de l’inconnu est ambigu. Il avertit MmeCampalou de sa contamination mais les termes choisis font qu’il devient lui-même non seulement métonymie de la contagion, mais encore personnification du mal. Cet homme s’est présenté en pénitent rouge mais représente la variole purulente et noire aux plaies non encore cicatrisées. Il me semble être le double inversé du masque qui s’introduit, chez Poe, dans le château du prince. Le futur assassin est décrit ainsi par l’auteur américain Le personnage en question avait dépassé l’extravagance d’un Hérode, et franchi les bornes, cependant complaisantes, du décorum imposé par le prince. Il y a dans les cœurs des plus insouciants des cordes qui ne se laissent pas toucher sans émotion. Même chez les plus dépravés, chez ceux pour qui la vie et la mort sont également un jeu, il y a des choses avec lesquelles on ne peut pas jouer. […] Le personnage était grand et décharné, et enveloppé d’un suaire de la tête aux pieds. Le masque qui cachait le visage représentait si bien la physionomie d’un cadavre raidi, que l’analyse la plus minutieuse aurait difficilement découvert l’artifice. Et cependant, tous ces fous joyeux auraient peut-être supporté, sinon approuvé, cette laide plaisanterie. Mais le masque avait été jusqu’à adopter le type de la Mort rouge. Son vêtement était barbouillé de sang, et son large front, ainsi que tous les traits de sa face, étaient aspergés de l’épouvantable écarlate. 23 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 223. 16Chez Lorrain, Le pénitent rouge découvre son vrai visage et tue presque sur-le-champ Mme Campalou s’effondrait comme une masse ; à son tour on la portait chez le pharmacien » – celui-là même qui avait prodigué les premiers secours au domino à l’œil éraillé une année plus tôt. L’ancienne commerçante mourut le soir même, sans avoir repris connaissance, stupide et muette, d’une congestion au cerveau ».23 De la même façon, le seigneur du Masque de la mort rouge périt instantanément. À la suite du prince Prospero, ses invités périssent tous les convives tombèrent un à un dans les salles de l’orgie inondées d’une rose sanglante, et chacun mourut dans la posture désespérée de sa chute. » La mort foudroyante n’est pas due directement à la pathologie dans le sens où nous n’assistons pas aux différents stades de l’évolution de la maladie. Il n’empêche que Prospero et Eudoxie sont tous les deux victimes de la petite vérole. La Mort rouge de Poe est un spectre et son déguisement apparent ne cache aucune forme humaine. Lorsque l’on enquête, chez Lorrain, sur les deux jeunes Américains, on trouve leurs valises ; les noms sous lesquels ils se sont inscrits ne sont pas les leurs. 17Le masque est costume mais aussi absence d’identité, d’état-civil, plus encore que volonté de feindre. Les individus deviennent la maladie pour mieux achever leurs victimes. L’on pourrait appliquer aux deux histoires le propos de Maxime de Mergy à la fin de sa narration N’est-ce pas une belle vengeance de masque ? » Chez Lorrain, la petite vérole est celle qui s’est dissimulée, la maladie invisible qui circulait dans la foule sous l’apparence d’un pénitent. Chez Poe, au contraire, la petite vérole devient déguisement sous lequel ne rôde que la Mort. La fête se mue en danse macabre. 18Dans les deux cas, la vengeance est un plat qui se mange froid. La petite vérole noire frappe la Toulousaine un an après l’agression de l’avenue de la Gare. La Mort Rouge s’insinue dans les salons du prince vers la fin du cinquième ou sixième mois de sa retraite. » Le palais du seigneur est la conversion de l’une de ses abbayes fortifiées ». Les agresseurs d’Eudoxie Campalou sont déguisés en pénitents rouges. Chez Poe, la mort s’abat au milieu d’un bal masqué de la plus insolite magnificence » dans une pièce marquée à ses couleurs les murs, rideaux et tapis sont noirs, les carreaux écarlates. Seule des sept qui s’enchaînent en enfilade, la salle rouge et noire du palais du prince Prospero est marquée par le temps et lorsque l’heure sonne, elle paralyse les musiciens et arrête les valseurs. 19Le lien entre petite vérole et masque est souvent mis en évidence dans la littérature. On semble vouloir conjurer le mal en cachant ses traits sous un loup de satin ou un échafaudage de papier mâché. Si la maladie frappe, on risque de se voir affubler, à vie, de ce qui paraît être un masque déformant. Du symbole de la fête et de l’oubli de la mortalité, les deux auteurs font un emblème au mieux d’équivoque, au pire d’une perversité macabre. 24 24 février 1765. Isabelle de Charrière, Une liaison dangereuse correspondance avec Constant d’He ... 25 On ne m’en voudra pas de citer une comparaison proposée par Flaubert et ses amis entre le visage d ... 26 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 212. 20Vers la fin du XVIIIe siècle, Constant d’Hermenches écrit à Isabelle de Zuylen, la future Mme de Charrière, que la marquise de Ségur, âgée de trente ans et mère de deux enfants, est plongée dans les horreurs d’une affreuse petite vérole. » Huit jours plus tôt, rapporte-t-il, nous étions dans les délices d’un bal masqué dont elle faisait l’ornement et le charme, et peut-être n’allons-nous plus voir qu’un cadavre ou qu’un monstre »24. L’inversion tragique fait qu’un masque déformant pourrait altérer à jamais les jolis traits de la marquise cachés une semaine plus tôt sous un loup. Les flétrissures de la variole déshumanisent25 et rendent méconnaissable. Le lien trouble entre déguisement et maladie s’esquisse chez Constant d’Hermenches comme chez les auteurs de fiction. La marquise de Ségur paraît avoir été frappée lors d’une soirée mondaine. C’est ce que laisse croire le raccourci de l’épistolier. Lorrain, quant à lui, semble conscient de choisir un lieu inhabituel pour le dénouement de sa tragédie. Maxime de Mergy répond aux ricanements de Jacques Baudran, son seul auditeur nommé Oh ! ce n’est pas une intrigue de bal masqué, c’est une aventure de plein air ! »26 En effet, elle se déroule, on l’a vu, sous le soleil du carnaval niçois. En cela, en effet, la nouvelle de Lorrain renouvelle la tradition tout en gardant le topos du déguisement et en plaçant la contamination d’Eudoxie Campalou au printemps, l’un des moments où les épidémies sont au plus fort. 21Il convient peut-être de réfléchir aux raisons du succès d’un tel thème. Dans les discours des spécialistes comme du commun des mortels revient l’idée que la contagion invisible devrait pouvoir être matérialisée. Or le malade de la petite vérole est en incubation avant même que son physique l’indique. Au-delà, l’aspect de l’individu atteint de la variole effraie. Certains craignent la simple vue des varioleux qui serait suffisante, pensent-ils, pour infecter immédiatement le spectateur. Nous retrouvons les anciennes superstitions auxquelles la peste a donné naissance. Sous l’Ancien Régime, les bals masqués sont de hauts lieux de contagion. Le comte de Cheverny évoque les réticences de son épouse 27 Jean-Nicolas Dufort de Cheverny, Mémoires du comte Dufort de Cheverny introducteur des ambassadeur ... Ma femme allait avec répugnance dans les lieux publics ou s’en privait. La vue d’une personne encore rouge de cette maladie [la petite vérole] la troublait singulièrement, et les automnes et les printemps étaient des moments de deuil pour elle, à cause de la mort subite de plusieurs personnes mourant de cette maladie27. 28 De Saint, Lettre à M.*** contre l’inoculation, qui combat le Mémoire historique de M. de la Condam ... 22Les traits bouffis des anciens malades, les traces des boutons, inspirent l’effroi et pourraient déclencher des réactions extrêmes si nous en croyons certains écrivains. Pour le mystérieux de Saint, auteur, au milieu du XVIIIe siècle, d’un ouvrage contre l’inoculation, la méthode prophylactique antérieure à la vaccination et par laquelle l’on communiquait la maladie même au patient, si dans le temps que l’épidémie règne, on présentait à une personne dont le sang serait disposé à recevoir ce venin et le manifester, un homme factice, dont le visage aurait l’apparence d’être plein de boutons virulents », l’effet serait certain l’effroi, sans doute, que lui causerait ce spectacle hideux, ferait, qu’en frémissant d’horreur et de crainte, une attraction virulente concentrerait en elle l’esprit venimeux répandu dans l’air ; ce qui lui causerait la petite vérole. »28 Nous ne sommes pas loin des créatures mythologiques, comme le basilic ou la méduse, qui pouvaient tuer d’un seul regard. Poe et Lorrain – dont on peut rappeler qu’il signe du pseudonyme Le Cadavre des articles presque contemporains de la publication du Crime des riches – revisitent un thème romanesque et offrent, l’un comme l’autre, une exploration individuelle d’un thème qui plonge ses racines au plus profond de l’imaginaire humain. Ils nous rappellent ainsi, par leurs nouvelles, la fragilité de la vie humaine face à des épidémies sur lesquelles nous pourrions, de nos jours, mettre d’autres noms pour exprimer les mêmes angoisses. Notes 1 Pierre Fauchery, La Destinée féminine dans le roman européen du XVIIIe siècle 1713-1807. Essai de gynécomythie romanesque, Paris, Colin, 1972, p. 201. 2 Rappelons que petite vérole » et variole » désignent la même maladie, le premier terme étant plus habituel à l’époque classique. 3 Toutes nos citations du Masque de la mort rouge proviennent de la traduction par Baudelaire Edgar A. Poe, Œuvres en prose, texte établi et annoté par Le Dantec, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade », 1951, p. 392-398. 4 La mort rouge telle que la décrit Poe semble être une sorte de peste sanglante. La variole est parfois désignée sous le vocable de Mort rouge. Le nouvelliste américain est moins intéressé par la nature même de la maladie qu’il évoque que par ses effets dont bon nombre sont empruntés aux discours sur la petite vérole. 5 Voir en particulier ses Histoires de masques ou un chapitre de Phocas. 6 Jean Lorrain, La Vengeance du masque, Le Crime des riches, Paris, Pierre Douville, 1905, p. 211-223, ici p. 211. 7 Ibid., p. 215. 8 Ibid., p. 218. 9 Moi, la vision m’obsédait de cet homme défiguré et sanglant. Sa dernière recommandation à son compagnon m’inquiétait surtout. Dans la soirée, l’effervescence de la fête un peu calmée, j’entrais dans la pharmacie où les premiers soins avaient été donnés au blessé. Je m’informais de la gravité des plaies et cherchais en même temps à savoir le nom. “C’est un Américain de l’hôtel West End. On a dû attendre la fin du corso pour le reconduire chez lui, le cas est très grave, on craint beaucoup pour l’œil gauche. La sclérotique est atteinte ; ils repartent tous les deux, ce soir, pour Paris. – Tous les deux ? – Oui, il y a un autre Américain avec lui. Une consultation chez un grand oculiste s’impose.” », ibid., p. 219-220. 10 Ibid., p. 213-214. 11 Ibid., p. 221. 12 Ibid., p. 221. 13 Ibid. 14 Chez Lorrain, qui donne un cadre réaliste, celui de cette Côte d’Azur qui lui était si chère, l’homme attaqué par Mme Campalou râle, déformé par la douleur Le nom, l’adresse de cette femme, […] laissez-moi, Tomy, attachez-vous à ces gens » dit-il à son compagnon. 15 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 222. 16 Ibid., p. 220. 17 Je souligne. 18 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 221. 19 Ibid., p. 212. 20 Ibid., p. 222. 21 Lawrence Durrell, Mountolive, Le Quatuor d’Alexandrie, Paris, Librairie générale française, La Pochothèque, 1992, p. 494. 22 [Jean-Joseph-Thérèse Roman], L’Inoculation, poème en quatre chants par M. L. R., Paris, Lacombe, 1773, p. 14. 23 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 223. 24 24 février 1765. Isabelle de Charrière, Une liaison dangereuse correspondance avec Constant d’Hermenches 1760-1776, Paris, éditions La Différence, 1991, p. 269. 25 On ne m’en voudra pas de citer une comparaison proposée par Flaubert et ses amis entre le visage déformé et une écumoire De la vierge, par lui [le mal], j’ai vu le doux visage/Horrible désormais, nous présenter l’image / De ce meuble vulgaire, en mille endroits percé / Dont se sert la matrone, en son zèle empressé / Quand aux bords onctueux de l’argile écumante, / Frémit le suc des chairs, en mousse bouillonnante », Louis Bouilhet, Maxime Du Camp et Gustave Flaubert, La Découverte de la vaccine. Tragédie en cinq actes et en vers, dans Gustave Flaubert, Œuvres complètes, Paris, Club de l’Honnête Homme, 1972, t. VII, p. 380. 26 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 212. 27 Jean-Nicolas Dufort de Cheverny, Mémoires du comte Dufort de Cheverny introducteur des ambassadeurs lieutenant général du blaisois, introduction et notes par Robert de Crèvecœur, 4e édition, Paris, Plon, 1909, p. 290. Cheverny ajoute que lors de l’inoculation de son fils, il n’a gardé auprès de lui que les domestiques qui avaient eu la maladie Le premier devoir étant de ne faire courir aucun risque à ceux qui vous entourent. » 28 De Saint, Lettre à M.*** contre l’inoculation, qui combat le Mémoire historique de M. de la Condamine, lu à l’Académie royale des sciences, sur l’insertion de la petite vérole, dans laquelle sont insérés des principes pour la connoissance et guérison de cette maladie, Paris, Valleyre fils, 1763, p. 80-81. Le catalogue de la BnF ne donne ni prénom ni dates pour cet auteur. Auteur Membre associée du CÉRÉDIProfesseur de littérature française du XVIIIe siècle à l’université de Nancy. Elle est l’auteur de nombreuses publications sur la poésie et le roman des Lumières Anthologie de la poésie française, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade », 2000 – en collaboration ; André Chénier. Le miracle du siècle, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 2005, etc.. Également spécialiste de l’histoire des idées, elle a beaucoup travaillé sur l’inoculation et son imaginaire. Elle a dirigé plusieurs ouvrages collectifs dont Destins romanesques de l’émigration Paris, Desjonquères, 2007 – avec Claire Jaquier et Florence Lotterie. Son volume intitulé Marie-Antoinette. Anthologie et dictionnaire a paru aux éditions Robert Laffont, dans la collection Bouquins », en 2006. Du même auteur De l’éducation des princesses in Femmes éducatrices au siècle des Lumières, Presses universitaires de Rennes, 2007 La plume ou l’épée. Réflexions sur quelques mémorialistes in Les noblesses françaises dans l'Europe de la Révolution, Presses universitaires de Rennes, 2010 Ginguené et Parny in Ginguené 1748-1816, Presses universitaires de Rennes, 1995 Tous les textes
Résumé« Le masque de la mort rouge » (« The Masque of the Red death ») est un conte d'Edgar Allan Poeparu en 1842 dans le Graham's Lady's and Gentleman's Magazine. C'est une nouvelle où Poe s'exerce magistralement au genre gothique. Caractéristiques Voir tout Date de parution juillet 2019 Editeur Auto-Édition Format ebook (ePub) Type de DRMError 403 Guru Meditation XID 319690289 Varnish cache server
lebourgeois gentilhomme acte 4 scène 1 analyse. Home; Corsi; Blog; Risorse; TWIMT INSTITUTE. Home. 2022. Maggio. 31. résumé le masque de la mort rouge. Posted in maison à vendre plescop le moustoir. résumé le masque de la mort rouge. Posted by By julien bonnaire et sa fille handicapée Maggio 31, 2022 nej petit chat parole
LeMasque de la mort rouge (Edgar Allan Poe's Masque of the Red Death) est un film d'horreur américain sorti en 1989, adapté de la nouvelle d'Edgar Allan Poe, écrit par Daryl Haney (en) et réalisé par Larry Brand.. Synopsis. Au XII e siècle, l'apparition du cavalier Machiavel est accompagné d'une peste mortelle. La population rurale est désœuvrée et tente d'échapper à l
Tripar auteur: Poe, Edgar Allan [/var/www/Bibliocalibre]
Résumé Au Moyen Âge, en Italie, le prince Prospero, seigneur des lieux humilie ses paysans en les terrorisant, en brûlant leurs maisons et en faisant prisonnier Francesca, une jeune paysanne avec son père et son petit ami. Alors que le convoi de Prospero s’apprête à repartir vers son château, ce dernier à la révélation que la « mort rouge » s’abat sur la région. Alors il
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